Masaaki Yuasa n'a plus à prouver son attrait pour les expérimentations graphiques, ce qu'il confirme avec son dernier long-métrage : Inu-Oh narre la rencontre entre un jeune aveugle conteur et joueur de biwa, et un enfant monstrueusement difforme héritier d'une grande famille du théâtre. Le film prend le temps d'introduire ses personnages dans un tumulte parfois déstabilisant, mais dont l'ambiance et les sonorités raviront les amateurs de culture japonaise. Le fantastique plane sans mot dire (la naissance et la morphologie de l'enfant-gourde), tandis que Yuasa met magnifiquement en image la cécité.


Le point de rupture se produit avec le surgissement créatif résultant de la fameuse rencontre des 2 protagonistes : Inu-Oh devient alors un opéra-rock médiéval halluciné, s'inspirant du Dit des Heike pour mettre en scène l'accomplissement de soi par l'art, la subversion contestataire musicale et la contre-attitude réactionnaire du pouvoir lorsqu'on touche à l'équivalent du roman national. Le réalisateur s'amuse à rendre vaguement crédible l'organisation d'un show scénique dantesque avec les moyens d'époque, sans pour autant nuire au trip sensoriel qu'il développe avec ses longues et lancinantes séquences chantées.


Le film est d'une grande richesse thématique, abordant également l'encadrement des normes artistiques ou la place du nom comme celle du corps dans la construction identitaire, et se permet même de retomber sur ses pieds en donnant sens aux éléments les plus confus de son introduction. La conclusion est assez touchante et laisse le spectateur ébouriffé par cette drôle d'épopée. Si le public en salle n'a pas unanimement adhéré à la proposition atypique de Yuasa, j'ai pour ma part été largement conquis.

Pascoul_Relléguic
10

Créée

le 20 janv. 2023

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