Que voilà (encore !) un film étrange !
Une sorte de croisement entre Chapeau Melon et James Bond.
Et surtout, curieuse construction, le film semblant scindé en deux parties.
La première, la plus réussie à mon sens, présente Harry Palmer, (héros qui deviendra récurrent, cinq films au compteur tout de même) et son univers. Et c'est là un des point fort de cette introduction hilarante.
Harry Palmer, donc, dont on dirait qu'il s'agit de l'alter-ego de Michael Caine à la scène, possède ce brin de détachement qui lui permet de voir son entourage et son époque avec le recul nécessaire pour souligner le ridicule ou l'étrange d'une institution ou d'une nouvelle organisation à intégrer, mais aussi de chaque congénère rencontré.
Avec cet agent (?) "roublard, menteur et un peu escroc" on pose sur chaque scène un regard à la fois un poil éberlué et narquois et on pénètre un monde de code, de rapports et de convenance avec le même détachement qu'Harry.
Voir cette scène qui m'a fait hurler de rire lorsqu'il appuie sur le levier d'un objet dont il ignore complètement l'usage, alors qu'on lui fait fait visiter son nouveau lieu de travail et qui déclenche un bruit insoutenable. Surpris, Harry penche la tête on aperçoit un homme travailler sur une machine étrange. Le bruit n'avait donc aucun rapport avec son geste initial mais le génie de la mise en scènes créé le décalage.
A travers ces quelques secondes, c'est l'image d'un monde où aucune action, aussi futile soit-elle, ne déclenche de conséquence logique ou attendue. Les sombres ressorts de l'espionnage époque guerre froide sont à l'oeuvre.
Autre trait agréable en diable: Harry se plante, ne gagne pas ses combats, a des intuitions foireuses et ne fait pas confiance aux bonnes personnes.
Il est amateur de bonne chère (et si ce n'est pas LÀ ! un trait distinctif du reste de la population anglaise, je veux bien être pendu), et de bonne musique, ne veut pas travailler le week-end, n'aime pas l'armée (alors qu'il semble en être) et la paperasserie.
Une première partie superbe, donc, toute pleine de cet humour froid et british, a base de dialogues qui frôlent le non-sens, de réparties pince-sans-rire et de scènes étonnantes.
Et pour parfaitement mettre en valeur cet esprit iconoclaste, la mise en scène de Sidney J. Furie colle parfaitement au propos. Le décalage de certaines prises de vues correspond en plein aux sentiments de Palmer par rapport au monde qui l'entoure.
La suite est finalement plus classique, du récit d'espionnage (auquel on ne comprend pas tout) au dénouement, assez anecdotique.
Harry Po... Palmer, tu es donc entré dans mon panthéon d'agent trouble.
Et maintenant, la suite !