Iris, ou le fantasme caché de Lespert ?

De Jalil Lespert, je ne connaissais jusqu’à présent que son précédent long-métrage, Yves Saint-Laurent. Maintenant, je connais peut-être aussi ses fantasmes, en ce que le film semble laisser transparaître un certain nombre d’indices permettant d’associer le réalisateur à sa création. En effet, pour la première fois, celui-ci endosse simultanément le costume d’acteur dans l’une de ses œuvres, s’adjugeant entre autres la scène érotique la plus sulfureuse avec une Charlotte le Bon érigée en sombre et délicieux objet de désir, qui de son propre aveu, lui avait déjà tapé dans l’œil lors du tournage d’Yves Saint-Laurent… Oh, et devrais-je ajouter que Jalil Lespert avait déjà joué dans Sade ?


Mais quelle que soit la teneur personnelle réelle de ce film, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un objet cinématographique digne d’intérêt pour une plus large audience. Remake assez libre du film japonais Chaos, sa construction articulée autour d’un thriller jouant sur la chronologie, les faux-semblants et la manipulation évoque bien évidemment l’influence d’Hitchcock. Couplée à ses thématiques BDSM ou de jeux de pouvoir en général, il n’est pas non plus sans rappeler le cinéma de Roman Polanski, bien accueilli du grand public. Si à aucun moment le film ne prétend atteindre les sommets de ses références, il s’en sort pour le moins honorablement.


L’intrigue comporte ainsi son lot de suspense et de twists à la prévisibilité plus ou moins variable. Quelques points scénaristiques sont indirectement laissés à l’appréciation du spectateur (qui pourra tout aussi bien y trouver des incohérences que des explications ou de la subtilité). Quant aux personnages, certains les qualifieront de stéréotypés (a fortiori socialement), mais ils restent surtout des archétypes viables et utiles au récit. En définitive, tous se révèlent relativement intéressants, évitant l'écueil de l'unidimensionnalité en présentant plus d’une seule facette au sein de ce triangle vénéneux. Ils sont de plus portés par une interprétation de qualité, notamment en la personne de Romain Duris et Charlotte le Bon, qui sans être transcendants, se révèlent à la hauteur du standing recherché.


Sur le plan de la mise en scène, Jalil Lespert confirme qu’il est capable de tourner convenablement un film et de s’adonner à une certaine recherche esthétique, ou une forme de sophistication. Si Yves Saint-Laurent pêchait à mes yeux dans sa substance, ses vertus plastiques n’étaient pas remises en cause. Iris s’inscrit dans la continuité, proposant une réalisation très au-dessus de la plupart des productions françaises actuelles. Et quand bien même le film pourrait apparaître racoleur de par ses thèmes et son actrice principale, il se distingue à ce niveau par une certaine justesse et neutralité, sans verser dans l'apologie ou la stigmatisation d'une partie de son contenu (comme le BDSM). A défaut d'être précise, il s'en trouve une représentation plus romancée, mais suffisamment réaliste et respectueuse du jugement de chaque spectateur.


J’avoue que je ne porte pas vraiment le cinéma français contemporain dans mon cœur, mais Iris fait partie de ces quelques exceptions qui semblent surnager dans cet océan de beaufferie et de médiocrité. Si sa construction est conventionnelle, elle n’entache en rien l’efficacité du film, qui propose dans son ensemble des éléments plus originaux, atypiques ou provocateurs que ses homologues hexagonaux. Plus racé et moins édulcoré, sans pour autant sombrer dans l’excès, un peu à l’instar d’un Elle de Verhoeven.

Phaedren
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le 16 nov. 2016

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