Une horreur
J'avais vu Irréversible (version 2002) et, du fait de son montage "antéchronologique", je n'y avais pas compris grand chose et dix-huit ans après, j'en avais un souvenir extrêmement flou, même du...
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le 28 août 2020
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Personne n'a oublié le choc qu'a causé Irréversible de Gaspar Noé lors de sa présentation au Festival de Cannes 2002. Les observateurs de l'époque en avaient retenu la violence, notamment la fameuse séquence de viol du personnage d'Alex, interprété par Monica Bellucci.
La sortie d'Irréversible - Inversion intégrale à l'été 2020 fait définitivement moins de bruit. Car il n'y a pas de Festival de Cannes tout d’abord. Que la société est peut-être plus difficile à choquer (certainement pas). Ou que dans le monde frappé par la pandémie, il y a bien d'autres problèmes. Toutefois, il ne s'agit pas d'une simple reprise ici. Non, le film, composé des mêmes scènes, nous est montré dans un montage totalement différent, et se trouve alors amputé de quelques minutes par rapport à la version originale.
Le thème de cet été est à l’inversion après Tenet et Irréversible suit la tendance. La particularité du montage original, était de nous montrer les scènes dans le désordre, en partant de la fin dans l'ordre chronologique et en allant vers le début. L'inversion intégrale nous rend une narration traditionnelle qui atténue grandement la violence du film, tant l'ensemble devient intelligible et cohérent.
Car effectivement, le montage original va de la fin vers le début, mais chaque scène est montrée dans un écoulement du temps normal, de sorte que le film avance et recule continuellement. Ici, le film ne fait qu'avancer. Mais on garde toutefois des transitions marquées qui devaient être indispensables au montage original.
Le film s’ouvre donc sur un plan aérien où l'on voit Alex allongée dans l'herbe, lisant un livre. Puis la caméra virevolte en l'air pour nous offrir une transition vers un appartement où Alex se retrouve avec son compagnon, Marcus, interprété par Vincent Cassel. Le couple de l'époque à la ville se reformant à l'écran pour l'occasion. De la nudité, de la tendresse. Mais une photo aux couleurs rouges étonnantes. L'évocation d'un rêve se déroulant dans un couloir rouge. Puis Pierre (superbe Albert Dupontel) arrive, il est l'ex d'Alex et l'ami de Marcus. Les trois rient de bonne grâce, plaisantent, font la fête. Le tout, dans des plans séquences inouïs et poétiques. La scène de fête dans l'appartement est un modèle. Photographie encore saturée de rouge. Un Cassel déchaîné qui dit son propre prénom à un moment de la scène au lieu de donner celui de son personnage lorsqu'il se présente. Et enfin, une Monica Bellucci dans une robe mythique, qui danse au milieu des convives, et qui irradie la pellicule de son charisme et de son charme. Mais la fête est bientôt finie.
Au sens propre comme au sens figuré. Tout ce qui va suivre va présenter une descente aux enfers. La poésie disparait. La couleur rouge présente discrètement dans l'appartement du début, lors de la fête, va maintenant envahir continuellement l'écran. Comme pour figurer ce sang qu'on voit à peine. Comme pour représenter le feu de l'enfer. Et comme pour représenter la réaction des personnages aux événements. La séquence de viol est insoutenable et glaçante de réalisme. Dans ce couloir rouge, on ne peut que détourner les yeux. Mais cette scène filmée de façon frontale, est indispensable. Elle permet de voir aussi qu'un passant apparaît en arrière plan mais que lui aussi détourne le regard, se mettant alors à la place du spectateur. Qui peut oser regarder ça pourra réagir, qui ne supporte pas cela fuira comme ce personnage.
La suite ne sera alors plus qu'une descente aux enfers au sens propre comme au sens figuré. L’aveuglement de la vengeance, de la colère (et bien d'autres pêchers capitaux qui seront visités). La séquence dans le club homo intitulé le rectum est ainsi exemplaire. Une caméra agitée représentant l'état d'esprit de Pierre et Marcus. Des plans en biais permettant de deviner la débauche sans la voir. Et surtout, la plongée en profondeur dans le club à la recherche du coupable. Les personnages s'enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. Une mise en scène osée où l'image participe autant à la narration que les actions des personnages. Où la confusion présente dans les plans représente la confusion mentale des personnages.
Mais ce montage offre une véritable cohérence. On comprend immédiatement pourquoi les événements se passent. Il n'y a pas d'équivoque, pas de doute. Pas de choses à reconstituer. On perd peut-être alors le caractère inéluctable des malheurs. On perd peut-être de l’originalité. Mais on gagne une sincère empathie pour ces personnages qui ont vu rouge devant de telles horreurs.
PS: Je n'ai jamais vu le montage original du film.
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Créée
le 1 sept. 2020
Critique lue 282 fois
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