A la question fondamentale que se poserait un scénariste sur les mécanismes essentiels de la peur, un seul mot suffirait à résumer son boulot : rien. L’ignorance, la méconnaissance, l'innommé, autant d’éléments qui tournent autour du même vide, et que l’imaginaire du spectateur va spontanément combler du pire, par un réflexe salutaire d’appréhension.


It comes at night fonctionne précisément sur ce principe ; qu’on y réfléchisse, le titre lui-même est éloquent, et le « it » en question ne renvoie à rien d’autre que de l’absence.


De cette épidémie, il n’est rien dit : nous resterons dans le même flou que les protagonistes, reclus dans une forêt tout à fait apte à protéger comme à susciter l’effroi le plus primal des contes enfantins.


De récit, il n’est presque pas question : tout se structure autour d’une survie, qui prend difficilement ses marques tant elle est grippée par des réflexes nécessaires de paranoïa.


Sur l’écriture béante se greffe ainsi le regard d’un réalisateur enthousiaste à l’idée d’interroger le silence et l’obscurité. Le découpage de l’espace intérieur est tout entier inféodé à la rationalisation (chaque pièce a sa fonction, la porte sa couleur) sans qu’on parvienne à évacuer pour autant l’angoisse. La question du point de vue, essentielle dans ce film, permet ainsi de contaminer le spectateur. Le jeune Taylor, insomniaque et maître des lieux, particulièrement de nuit, observe, illumine de sa lanterne des espaces démesurés, écoute, et garde le silence. La symétrie trop parfaite qui l’entoure, son regard dénué d’interprétation sont autant d’échos inversés aux personnages qui l’entourent : un père paranoïaque, un invité trop sympathique pour être au-dessus de tout soupçon, un enfant fragile ou un chien imprévisible.


Le soupçon comme poison : telle est la simplissime recette de l’angoisse. Alliée à une belle maîtrise de la caméra, cette dynamique tient ses promesse car elle se pare d’un traitement systématiquement déceptif : des scènes de tension, d’une musique souvent discrète, et de fausses pistes en matière d’éléments perturbateurs.


On peut ainsi regretter le manque de courage qui aurait permis une radicalité encore plus grande en termes d’épure. Le recours systématique aux cauchemars (jusqu’au coup vraiment putassier du double réveil) donne le sentiment que le récit se sent obligé de nous vendre quelques-uns des attendus du genre dans lequel il s’est présenté : jump scare, imagerie gore, twists, etc., et dont on se serait en réalité volontiers passé.


Le climax dramatique se chargera de nous les faire presque oublier. À mesure que la tension s’accroit, grandissent avec elle les zones d’ombre et d’incertitude, jusqu’à un dénouement qui pourra en décevoir certains, mais qui s’avère tout à fait cohérent au vu des indices disséminés depuis le début. Ce faux twist aboutit à deux conclusions plus malines qu’elles n’y paraissent. La première, c’est la question de la survie, et de se nécessité lorsqu’elle aboutit à une telle barbarie.


La seconde, c’est le retour sur la nuit éponyme : ce « it » qui intrigue ne renvoie pas à une quelconque présence, mais bien à l’obscurité elle-même. Ce qui advient au fil de cet échange impossible entre survivants de bonne volonté, c’est la part grandissante de l’ombre, par une angoisse qui étreint, affabule et aveugle.

Sergent_Pepper
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le 19 sept. 2017

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