Comme pour The witch, il y a méprise : It comes at night n’est pas un film d’horreur, pourtant vendu comme tel (déception assurée pour les amateurs de gros frissons et de gore bouillonnant). Comme dans The witch, la mise en scène est épurée, l’ambiance sépulcrale et la musique de Brian McOmber, inquiétante, se règle sur les gammes d’un climat anxiogène. Comme dans The witch, la menace est potentiellement extérieure (une sorcière dans les alentours, un virus mortel), mais elle vient de l’intérieur, elle vient d'abord de soi. Et comme dans The witch, la dimension "horreur" du scénario est ramenée à la seule violence, sans limite, de la nature humaine. Le film de Trey Edward Shults rappelle aussi Le temps du loup de Michael Haneke qui, sous prétexte d’une fin du monde dont on ne saura rien, questionnait nos valeurs, notre caractère soi-disant civilisé face au danger et face à l’autre.


It comes at night part de ce même postulat (une pandémie mystérieuse) et observe une famille rescapée (un couple et leur fils adolescent), terrée dans un chalet au cœur d’une forêt, puis une deuxième (un jeune couple et leur petit garçon), aidée par la première, se décomposer de ses propres peurs et égarements (The witch, encore). L’enfer de Sartre, c’est bien les autres, inconnus ou plus familiers. Ce sont aussi ces instincts archaïques (désir, envie, possession, paranoïa, ignorance…) qui nourrissent les vrais poisons du monde. C’est enfin ce tableau (Le triomphe de la mort de Brueghel) qui trône accroché à un mur dans le chalet, symbole un peu trop évident de ce qui s’avance dans la nuit (la mort qui rôde, la mort en marche), mais qui dit bien la folie des hommes et leur propension à vouloir détruire (comme seront détruites ces deux familles à force de méfiance et de craintes).


On pourrait ainsi reprendre Nietzsche, en le détournant, pour résumer It comes at night : ce n’est pas la certitude, c’est le doute qui rend fou. Le film ne cherche jamais à épater ou à surenchérir, il est classique dans sa forme et modeste dans son intrigue, et cette ultra-simplicité permet à Shults d’explorer, patiemment, les mécanismes d’un dérèglement a priori inéluctable, qui semblait programmé d’avance. C’est un film qui, par rapport à son sujet, refuse tout (le sang, la célérité, des réponses, et des zombies éventuellement) au profit d’une angoisse sourde, précise dans ses variations infimes : un silence, un regard, une porte entrouverte, des aboiements insistants, et puis le noir de la nuit, noir comme celui de l’âme.


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le 26 juin 2017

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