Le plan qui ouvre It follows cadre une banlieue américaine typique, avec son paysage très structuré, ses alignements d’arbres, sa rue centrale calme, ses trottoirs et ses maisons pavillonnaires. Image ancrée dans l’imaginaire cinématographique qui évoque immédiatement les teen movies, ou les slashers, des années 80. Mais ça pourrait aussi bien être le plan qui ouvre Elephant de Gus Van Sant ou celui d’Halloween de Carpenter. Deux cinéastes qui planent au-dessus du film et qui sont continuellement évoqués, autant sur le plan stylistique que thématique.
Après quelques secondes, ce plan, doux et familier, est déchiré par la course et les cris d’une jeune fille. Elle veut sortir du cadre et semble fuir une menace invisible à l’écran. Le scope est magnifiquement travaillé, la photographie est feutrée, la bande son adopte un rythme électronique répétitif, et il y a l’idée de chercher à capter le mal, ses origines indéfinissables et son incarnation dans le plan. Difficile de faire plus proche de Carpenter. Pourtant David Robert Mitchell parvient sans mal à se délester de ces bagages cinéphiliques pour mettre en scène son propre univers et construire petit à petit sa propre légende urbaine.
It (follows) c’est quelque chose qui poursuit lentement une personne ciblée, un être contaminé. Seul celui-ci peut le voir. C’est une personne connue ou non, qui se déplace très lentement, autant un Michael Myers invisible, un fantôme ou un zombie.
Outre sa faculté à créer une atmosphère, son élégance formelle, son sens de la tension, sa façon de filmer l’adolescence, la grande réussite du film c’est de parvenir à combiner l’aspect premier et second degré. C’est-à-dire très efficace comme teen movie horrifique, racé et flippant, mais également passionnant sur le plan théorique.
D’une certaine manière, le film est assez proche de Teeth, ce petit film d’horreur sorti il y a quelques années dans lequel une jeune ado avait des dents dans le vagin.
Car It follows peut se lire comme une métaphore sur la sexualité ado. La contamination, car c’est bien de cela qu’il s’agit, s’opère par l’acte sexuel. Si l’on est suivit par la chose, on doit coucher avec quelqu’un pour lui refiler la « maladie ». Il y a donc là quelque chose d’assez vertigineux, car le sexe y est abordé autant sous une forme puritaine : on est contaminé lorsque l’on baise, que sous une forme libérée et plus malsaine : il faut baiser pour refiler la chose.
D’autant plus malsaine que ça ne s’arrête pas à ça. Il ne suffit pas de coucher pour se débarrasser de la « maladie », celle-ci reste, on est toujours suivit. On peut alors à nouveau lire le film comme une métaphore du sida, mais ça serait une vision trop réductrice, négative et sérieuse.
Le film, avec toute sa modestie, semble surtout vouloir aborder la question de la sexualité adolescente en soulignant les interrogations, les peurs, les craintes, les pulsions, … qu’elle peut stimuler. Comme quelque chose qui hante, qui ne sort jamais du cadre, de la pensée, et qui nous suit toujours, lentement, amplifiant l’excitation et la peur lorsqu’elle s’approche trop près.
Très chouette film.