En 2010, David Robert Mitchell était en compétition au festival de Deauville avec "The Myth of the American Sleepover". Cette chronique adolescente chorale avait fait forte impression. Sans doute grâce à sa mélancolie diffuse et son refus du spectaculaire (les teenagers du film trompent leur ennui dans de banales soirées pyjamas), et à sa manière de créer une bulle fragile prête à éclater. Comme s’il s’agissait d’offrir un sursis à une certaine innocence que les tourments de l’amour et de l’âge adulte étoufferont inéluctablement. Il n’empêche, bien qu’auréolé du prix du jury, ce conte de fin d’été, n’est jamais sorti en salle en France et il aura fallu attendre près de quatre ans pour le trouver en DVD dans l’hexagone (chez Metro depuis juin 2014).
Cette année, David Robert Mitchell était de retour en compétition à Deauville avec "It Follows" – où il a glané le prix de la critique - qui devrait, lui, avoir l’honneur d’une distribution sur les écrans français en janvier 2015… On retrouve dans ce second film l’Amérique des suburbs où se déroulait déjà "The Myth..." Un théâtre périurbain anonyme, qu’une mort violente ne tarde pas à extirper de sa torpeur et à singulariser. Tout en continuant d’entretenir une atmosphère de spleen cotonneux, David Robert Mitchell se joue des codes du slasher. Pas de tueur masqué, mais un assassin insaisissable. A l’image du parchemin qui, dans "Rendez-vous avec la peur" de Jacques Tourneur, met en péril celui qui est en sa possession, la malédiction de "It Follows" se transmet… par un rapport sexuel. Pour sauver sa peau, il faut ainsi coucher avec quelqu’un d’autre en espérant ne pas avoir été rattrapé par la mort avant.
On le sait depuis "Halloween" et "Vendredi 13", dès qu’un personnage perd sa virginité, il ne tarde pas à le payer de sa vie. Faut-il voir dans cette partie de « chat » mortel un clin d’oeil à cet archétype thématique du cinéma d’horreur ? Ou bien y lire une métaphore du sida et autres IST ? Ou alors, y entendre des résonances puritaines ? Un peu des trois serait-on tenté de répondre. "The Myth of the American Sleepover" était d’une étonnante chasteté – à des années lumières des expérimentations sexuelles des teen movies ordinaires -, comme si tout désir n’était que danger. Les personnages de "It Follows" sont à peine plus âgés que ceux de "The Myth…", pourtant, leurs angoisses existentielles semblent être d’une autre nature.
Au final, ce n’est plus les ravages de l’amour qui sont redoutés, mais la plus radicale crainte de la mort. "It Follows" est au fond un film d’angoisse sur la plus grande angoisse qui soit : celle de savoir que la mort sera tôt ou tard au bout du chemin et qu’entretemps il nous faut oublier que ce que nous vivons est un compte à rebours inexorable vers notre fin.