Le nouveau bijou du film d'horreur
Coqueluche des festivals de ces derniers mois, It Follows affronte les salles depuis le 4 février. Entre jeu sur les codes du film d’horreur et esthétique impeccable, le deuxième long de David Robert Mitchell s’en sort avec brio.
Des airs de road movie adolescent
Une jeune fille en minishort gris et talons rouges. Au milieu d’une aire résidentielle périurbaine typique des Etats-Unis, elle court. Ou plutôt, elle fuit. Sur fond de musique angoissante à la sauce électro, elle prend son sac, sa caisse, et trace sa route. Quelque chose la suit. Ça a forme humaine mais ça change d’apparence à chaque nouvelle vision. Ça marche lentement mais ça peut tuer, violer, briser des vitres et démolir des portes. Ça fait peur, c’est invisible aux yeux des autres, et ça rappelle méchamment une créature de Stephen King.
Comme la jeune fille de cette superbe scène d’ouverture, Jay hérite de la malédiction. La raison ? Le sexe. Son copain lui a refilé une espèce de forme ultime de MST. Elle peut coucher avec un autre pour s’en débarrasser, mais jamais définitivement : quand ça aura tué le jeune homme en question, ça reviendra pour elle, inlassablement. La jolie blonde doit alors se persuader de la réalité de la malédiction, en convaincre sa bande de potes, et prendre le volant pour fuir la chose le plus loin possible, gratifiant le spectateur de quelques scènes de road movie adolescent aux airs de Stand By Me.
Un jeu sur les codes du film d’horreur
Certaines scènes sont effectivement très réussies et ont une valeur en soi, indépendamment du genre horrifique. La mise en scène est splendide, le cadre soigné et très coloré, et la photographie magnifique. On est très loin des mises en scène précipitées et qui piquent les yeux auxquelles on a souvent droit avec les films d’horreur. Jouant avec les couleurs, Mitchell fait s’opposer le rouge du vernis, d’un livre, d’un ballon, des sièges de cinéma, au jaune des bâtiments et d’une robe.
Le natif du Michigan s’amuse et joue aussi avec les codes du genre. La fameuse musique angoissante des moments fatidiques, il la moque et transforme la dimension déceptive du spectateur en rires. Le méchant du film, il apparaît autant sous la forme d’un géant terrifiant à la David Lynch que d’un type improbable à poil sur un toit. On n’échappe toutefois pas au traditionnel et piteux scare jump ni à l’utilisation pas toujours judicieuse de la musique, mais face à l’état des sorties du genre de ces dernières années, on passera volontiers sur ces quelques scories.
Après tout, c’est aussi et surtout en tant que film d’horreur qu’It Follows parvient à briller. Par des panoramiques à 360 degrés et des travellings circulaires rappelant le panoptique de Foucault, le spectateur vérifie sans cesse que la chose n’est pas dans les parages et s’imprègne de la parano de Jay. Par des plans moyens de personnages dans des pièces confinées, sa claustrophobie s’accroît. Et il assiste par là même à un très bon film d’horreur ; esthétique et irrévérencieux envers le genre, mais surtout angoissant et jouissif.