Histoire d'un aller et d'un non-retour
[Garanti sans spoilers.]
Déçu, agacé, énervé, dégoûté... Je ne trouve pas de mot assez juste pour décrire le sentiment qui est le mien au terme d'une saga mythique, mythologique. Cet épisode du Hobbit n'est pas digne du Seigneur des Anneaux, pas digne d'une trilogie qui m'a fasciné, me fascine encore et continuera à me fasciner.
Vous allez me dire qu'il fallait s'en douter, que j'aurais dû voir le coup venir, après un premier épisode plein de promesses et un deuxième plutôt inquiétant, mais quand même pas assez pour être totalement mauvais. Mais voilà, plutôt que de profiter de ce petit écart pour mieux rebondir, le bon vieux Peter a choisi de faire pire.
Choisi, je crois que le terme est le bon. Ses choix - post-production bas de gamme, course au tout-numérique, et surtout une ÉNORME facilité - ont bien rendu ce film médiocre, alors même qu'il avait un vrai potentiel.
Comme le sous-titre le laissait présager, les longues scènes de batailles épiques bercées par l'orchestre d'Howard Shore allaient faire leur retour. Et de ce point de vue-là, quel pied ! Les Ironfoot sont jouissifs, leur organisation millimétrée malgré leur puissance rend superbement à l'écran. Et les coups de boule, de massue ou de je ne sais quoi de Dain sont carrément grandioses. Les Elfes gardent leur impressionnant côté stoïque avant d'exploser avec classe dans la bataille. Je ne vais pas multiplier les exemples, vous avez saisi l'idée : quand Peter Jackson s'en tient aux bonnes grosses mêlées générales, ça marche plutôt très bien.
Mais pourquoi vouloir à tout prix transformer ça en gros navet de série B, en multipliant les scènes de duel tout simplement immondes ? J'ai compté pas un, pas deux mais au moins quatre duels interminables et pas crédibles pour un sou tant les rebondissements sont cousus de fil blanc. On s'emmerde proprement pendant au moins vingt bonnes minutes à regarder des mauvais combats de boxe successifs où chacun prend le dessus sur l'autre de manière incompréhensible. Au lieu d'accélérer l'action (Legolas vs. Oliphant dans Le Retour du Roi), elle est ici ralentie Matrix-like (Legolas vs. chute de pierres), emprunte d'une lourdeur toujours plus extrême. Encore moins subtil s'il te plaît ?
Pourquoi Peter, pourquoi ne pas avoir utilisé ce temps de combats inutiles pour donner encore un peu plus de corps à ta grande bataille ? Malgré un Howard Shore en-dessous de sa performance de la première trilogie, ça aurait relevé le niveau de ton film, on aurait presque pu oublier ses nombreux défauts. Et surtout tu serais resté dans ce que tu sais faire. Quelques personnages principaux qui déchirent sa mère dans le combat, se disputent leur trois-centième orque décimé en une demi-heure, mais ne passent pas quinze fucking minutes en un contre un ! Le Roi Sorcier contre Eowyn, ça dure une minute trente, pas vingt.
Plus généralement, le manque de subtilité est criant de douleur. Le Roi repenti qui marche la Lumière (avec une majuscule, s'il vous plaît) dans le dos, ça pique les yeux. Le serviteur du maître de Lacville, Alfrid, il les fait carrément pleurer. Toujours plus lourd, ce sous-Langue de serpent est devenu le Jar Jar Binks de Peter Jackson. Rien que ça. Et la fameuse histoire d'amour Elfe-Nain, elle est aussi agaçante que prévue. Malgré la très jolie performance d'Evangeline Lilly, cette histoire peu crédible au départ n'est pas servie par une écriture et des dialogues niais au possible sur l'amour.
Bref, Le Hobbit 3 est un épilogue bien décevant à une saga pourtant somptueuse. Plein de qualités (les batailles et mêlées générales, l'épisode Smaug pas sur-exploité ni traîné en longueur contrairement à l'opus précédent, la puissance de Galadriel qui envoie du pâté, Martin Freeman excellent depuis le premier opus, le vieux Nain...), il reste étouffé par ses défauts et un manque incroyable de subtilité. À tel point que j'en suis presque venu à douter de la qualité réelle du Seigneur des Anneaux, malgré des souvenirs récents émerveillés. Une rapide séance de rattrapage me fera vite oublier ces doutes et cet épisode final décevant.