IT MUST BE HEAVEN (15,2) (Elia Suleiman, PAL/FRA, 2019, 97min) :
Surprenante fable burlesque qui suit les tribulations du cinéaste palestinien Elia Suleiman, chapeau sur la tête à travers ses voyages de Nazareth comme point de départ et de retour en passant par une escapade parisienne et new-yorkaise. Le réalisateur à la démarche nonchalante et au visage de clown triste s'envole en dehors de ses frontières géographiques pour nous livrer une caustique vision du monde, par le biais d'une judicieuse mise en scène en CinemaScope. Ce parti pris panoramique permet de mieux élargir son point de vue, et d'accentuer le déphasage de son personnage (moitié candide / moitié Mr Hulot de Jacques Tati), à travers des séquences surréalistes, où l'absurde cache un certain désenchantement et une profonde quête identitaire. La narration sous la forme d'une autofiction d'exil scrute ironiquement notre mode de vie en société de plus en plus étrange où l'individualisme, la consommation, la sécurité, les multiples réglementations, engendrent incompréhensions et climat de tensions, apportant un singulier écho aux propres turbulences palestiniennes. L'auteur pointe sa caméra avec malice pour nous offrir à chaque instant une délicieuse comédie humaine déréglée et désabusée. Ce récit infiniment politique se dévoile par une succession de saynètes chorégraphiées peu dialoguées où le sens très précis du cadre fait pertinemment mouche par la justesse de sa composition pour illustrer les diverses situations. Ce conte enchanteur tragi-comique qui ramène toujours le metteur en scène à sa condition de cinéaste palestinien, s'avère toutefois universel et moins pessimiste, à l'issue de la scène finale où l'espoir peut voir le jour par le biais de la jeunesse... Laissez-vous tenter par ce voyage cinématographique atypique, car observer le monde quelquefois désespérant avec élégance, comme Elia Suleiman, It must be heaven... Gracieux. Poétique. Irrésistible.