Pas moins de 10 ans après la sortie de son dernier film, Elia Suleiman nous invite, dans It must be heaven, à le suivre à travers une déambulation urbaine qui le conduira à Paris puis à New York.
A Paris, la cadence infernale des jambes des parisiennes battant le pavé de la rue Montorgueuil, combinée à la froideur des beaux quartiers, conduisent le réalisateur palestinien à se réfugier dans sa chambre d'hôtel en compagnie d'un moineau égaré. Cet acte, presqu'entièrement muet, est à la fois le plus original et le plus réussi du film.
Plus tard, dans un New York peuplé d'américains grimés, Elia Suleiman sera confronté à l'omniprésence des armes et au snobisme du milieu du cinéma.
L'anxiété provoquée par ces deux villes-monde, enfermées dans des procédures et des mécaniques parfaitement chorégraphiées (même l'intervention du SAMU social ne laisse pas de place à de l'humanité), contraste avec la douceur de vivre de Nazareth, où vit le réalisateur. Si on comprend que la violence n'est jamais bien loin, les scènes que choisit de nous montrer Elia Suleiman en font un havre de paix : des champs d'oliviers caressés par la brise, une femme voilée de blanc marchant sur la paille fraîche, des figues de barbarie, et en scène finale, la communion d'une jeunesse chantant et dansant à l'unisson.
Un fil rouge traverse ces trois volets: la présence policière est partout et surgie de nul part. Elle prend la forme d'une jeune femme bâillonnée à l'arrière d'une voiture en Israël, celle d'un ballet de monoroues à Paris ou d'une course poursuite après un ange en plein Central Park.
Dans It must be heaven, Elia Suleiman, paré de son chapeau de paille, n'a pas quitté son costume de clown et continue de nous compter les misères de ce monde avec tout le burlesque et la poésie dont il sait faire preuve. On pense immédiatement à Jacques Tati, à Mister Bean, aux Marx Brothers. Et de ce savant mélange sort une oeuvre unique en son genre, tirée au cordeau et magnifiquement mise en musique.