It's a Free World ! par BibliOrnitho
Angie est chargée de recrutement pour une boite d'intérim ou de travail temporaire. Et pour une esclandre en public, elle est licenciée. Elle se retrouve du jour au lendemain sans revenu avec son fils à charge et ses crédits sur le dos. Mais Angie n'est pas du genre à s'apitoyer sur elle-même. Après un instant de révolte bien compréhensible, elle décide de prendre son destin en main et de fonder sa propre agence. Elle est après tout du métier, a des contacts, de l'expérience et peut réussir. Elle met Rose, sa colocataire dans l'aventure.
Toutes deux sont désormais à la tête d'une toute jeune entreprise qu'elles pilotent depuis leur cuisine. Et les filles ne ménagent pas leur peine pour réussir. Elles engagent des travailleurs en fonction du travail qu'elles peuvent dénicher. De l'emploi précaire, au jour le jour, voire à l'heure, avec embauche le matin même. On ne s’embarrasse pas avec les papiers, les contrats de travail et encore moins les taxes à reverser à l'état. On est plus que "border", mais on minimise les risques en restant discrets et en veillant à n'engager que des travailleurs en situation régulière.
Le réussite est immédiate. L'argent commence à entrer dans les caisses. Les premiers succès grisent Angie. Madame commence à trouver agréable de gagner du pognon. Pourquoi d'ailleurs ne pas tenter d'en gagner un peu plus ? Quitte à se montrer un peu moins prudente? un peu moins en règle ? Ce glissement dangereux s'impose d'ailleurs de lui-même : car à frayer avec des gens pas très nets, Angie finit par se faire arnaquer. Elle a désormais besoin d'un apport rapide d'argent. Alors allons-y franco : abandonnons le demi-mesure !
Ken Loach, avec "It' a free world", met une nouvelle fois les pieds dans le plat et dénonce l'ignominie des négriers, ceux qui profitent du travail illégal, de l'exploitation des plus démunis. Un monde mafieux révoltant, dénué de scrupule pour lequel seul le profit compte. Et le réalisateur ne choisit pas son personnage principal au hasard : Angie est madame tout le monde. Elle est elle-même en bas de l'échelle, est issue du monde ouvrier, s'est faite elle aussi exploitée, a des crédits à rembourser comme tout le monde, un gamin a élever... Pourtant elle plonge. Elle plonge dans la facilité, puis l'illégalité et enfin dans l'horreur. Pour le Dieu Argent. Pour l’appât du gain.
Ken Loach cherche-t-il à nous faire comprendre que nous sommes (presque) tous les mêmes ? Que tous nous abandonnerions nos valeurs humaines si nous étions acculés ou si l'occasion d'exploiter notre prochain se présentait ? J'entends une explosion de protestations : "Mon Dieu, pas moi !"
Un film engagé, fort et terrifiant à la fois. Un film qui ne peut laisser indifférent !
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