L’approche ethnologique adoptée par Jayro Bustamante sur le Guatemala souffre, dans Ixcanul, d’une distance qui semble le préserver de la douleur qu’il filme. Là où La Llorona s’empare du genre fantastique pour filer la métaphore de la mauvaise conscience et atteindre une puissance dramatique et historique, le présent long métrage se défie de la fiction pour se cantonner aux faits, n’a d’esthétique que sa photographie qui sait cadrer ses espaces volcaniques et en restituer leurs couleurs contrastées. Que la jeune femme soit enflammée par le désir mais doive composer avec une terre stérile sur laquelle règnent les serpents venimeux et la cendre se comprend rapidement ; dommage que cette passion intérieure ne conduise pas le réalisateur à l’exprimer à l’écran, sinon lors de brèves scènes plus étranges que sensuelles – quand Maria se frotte le sexe sur l’arbre, par exemple.
Tout cela est assez terne, désincarné en dépit de l’interprétation convaincante des actrices et acteurs, surtout balloté entre d’une part son réalisme brut et d’autre part la mise en place de symboles et d’échos : l’alcool donné aux porcs pour s’accoupler est le même qui coule dans les veines de Maria et de son amant lorsqu’ils font l’amour pour la première fois, traduction de la stérilité d’une terre qui contraste avec la fertilité d’une jeune mère. Le ravissement du nouveau-né à l’hôpital et l’hypocrisie criminelle des puissances publiques aurait mérité un temps plus important à l’écran : il ne constitue ici que le maillon supplémentaire d’une longue chaîne de malheurs dont nous ne savons, à terme, que faire.