Tout commence avec un gros plan sur le visage d’une jeune femme et tout se termine avec un gros plan pratiquement identique sur le visage de cette même jeune femme.
Entre ces deux gros plans, une succession d'autres gros plans.
Des gros plans sur les visages et des gros plans sur les gestes. Des gros plans qui nous plongent dans la vie quotidienne d'une famille de fermiers au milieu d'un nul part situé quelque part au Guatemala. Des gros plans sur leurs habitudes, des gros plans sur leurs coutumes. Des gros plans quand ils sont chez eux, des gros plans quand ils travaillent. Des gros plans de leur intimité, des gros plans de leur vie sociale. Des gros plans, encore et encore.
Des gros plans desquels on s'éloigne à quelques rares reprises, le temps de deux ou trois plans larges qui les placent dans l'immensité qui les entoure, au milieu des montagnes recouvertes d'arbres qui s'élèvent vers le ciel et au sommet desquelles on ne voit qu'un horizon infini, au bout de cette route terreuse qui zigzague entre une végétation desséchée infestée de serpents et dont personne ne sait vraiment jusqu'où elle va, au pied de ce volcan sacré qui hante les lieux de sa silhouette noire, de l'autre côté duquel se trouve les Etats-Unis, seulement séparé par le Mexique, par le désert, pas deux rivières.
Des gros plans qui suivent Maria, jeune femme promise à un mariage arrangé scellé à l'alcool avec Ignacio, un homme qui semble avoir le double de son age, bien placé dans cette plantation de café où tous les gens d'ici travaillent, le seul que l'on verra aller à la ville, le seul que l'on entendra parler espagnol. Maria qui s'offre au beau Pépé dans une promesse d'Etats-Unis. Maria qui rêve de quitter ce nul part en dehors du temps pour rejoindre le présent de la ville.
Des gros plans qui se servent de cette histoire prétexte pour montrer une réalité trop souvent ignorée. Des gros plans pour montrer la vie de ces populations qui vivent dans des semblants de maison d'une pièce sans eau ni électricité. Des gros plans pour montrer le dénuement de ces populations abandonnées à leur sort par le reste du pays. Des gros plans pour montrer la fragilité de cette population à la merci des hommes qui tiennent les plantations où ils travaillent, les seuls qui peuvent parler aux rares personnes qui viennent jusqu'ici, à qui ils font semblant de traduire ce que raconte ces familles qu'ils ne peuvent comprendre en disant finalement ce qui les arrange. Des gros plans pour montrer l'omniprésence de l'alcool que l'on boit lors des repas où tous les prétextes sont bon pour trinquer, dans le "bar" où l'on boit son salaire à en être malade après une journée de travaille qui laissera sa place à une autre journée identique, au milieu de la plantation pour se donner un peu de courage, dans la montagne quand on s'échappe pour passer un moment à deux, à chaque occasion possible pour s’échapper un peu cette vie que l'on mène. Des gros plans pour montrer les coutumes et les modes de pensée arriérés, les superstitions et les croyances d'un autre temps qui régissent encore leurs vies, qui impactent leur santé, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques, qui peuvent bouleverser leur vie à tout jamais, qui font aussi que quoi qu'il se passe, quoi qu'il arrive, tout finit irrémédiablement par revenir à cette normalité de toujours, à ces traditions oppressantes.
Des gros plans pour dénoncer, des gros plans en dehors du temps.