Camé et Léon
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Joe aime les marteaux. Les marteaux noirs en acier, avec écrit dessus "Made in Usa" en petites lettres blanches. Dans sa main, les marteaux paraissent petits. Les marteaux sont gros, aussi gros qu’un marteau peut l’être, mais sa main est plus grande encore. Tout parait petit à côté de Joe. Les hommes, les ombres qu’il croise dans la rue, les intérieurs, la ville. Joe est une Montagne de muscles et de chair au visage taillé dans un marbre qu’on aurait laissé dehors pendant des siècles, qui aurait pris l’eau et le vent et le froid et le soleil, et qui aurait vu. Tout vu. Trop vu.
Joe ne parait pas vraiment à sa place dans le salon à côté de sa mère, en train de se décapsuler une bière pendant qu’elle fait semblant de dormir, sur le quai entre les pylones de métal gris en attendant le métro, en marche sur un trottoir, derrière le flot incessant de voiture noires ou blanches. A vrai dire, Joe ne parait vraiment à sa place nulle part. Ce monde-là n’est pas fait pour lui, et il n’est pas fait pour ce monde-là non plus. Il ne l’a jamais vraiment été.
Les hommes, ceux qui font partie de ce monde, ceux qui sont faits pour ce monde, font appel à Joe pour s’occuper de ce qu’ils ne peuvent pas faire. Ce qu’ils ne veulent pas faire. Alors Joe s’en charge pour eux. Dans son style particulier. Brutal. Mutique. Magnétique. On le suit la nuit, quand les gens redeviennent ce qu’ils sont vraiment, sous les lumières fluorescentes des néons, fausses, artificielles, comme le monde qu’elles éclairent. Et on s’immisce dans sa tête, tapissée de souvenirs qu’il aimerait oublier, mais qui l’attendent toujours là, caché dans l’obscurité, comme les vestiges d’une civilisation oubliée. Maudite. Des souvenirs d’homme, des souvenirs d’enfant. Un enfant que l’on retrouve parfois caché dans les reflets de ses yeux gris, brillants, coincés derrière cette carapace trop large pour lui. Un enfant perdu dans un monde qui l’a créé à son image. Violent et absurde. Impitoyable. Parfois on le voit sourire, un petit sourire timide, tremblotant, comme les premiers pas d'un moineau sur un fin matelas automnale de feuilles mortes. Le jour où il boit un milk-shake rose dans un Drive in avec Nina, par exemple, disons qu’il est à la fraise, dehors, le soleil brille, et autour, le monde continue d’avancer.
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le 9 nov. 2017
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