Quoi de mieux qu’un peu de politique et de polémique pour les vacances avec la sortie de J’accuse de Roman Polanski. Avec ce projet, le réalisateur Franco-polonais s’est donc chargé pour porter sur ses épaules l’affaire Dreyfus, l’une des plus grandes affaires politiques-judiciaires française. Un choix controversé pour le réalisateur accusé d’agressions sexuelles sur l’une de ses anciennes actrices ...
synopsis :
Alors oui, l’histoire est connu de tous. Mais il est judicieux de faire un bref rappel historique.
Fin 1894, le capitaine Dreyfus est condamné à perpétuité sur l'Île du diable pour avoir prétendument livré des documents secrets français à l'Empire allemand. Le militaire est juif et devient le bouc-émissaire dans une France antisémite. Le colonel Picquart, ancien professeur de Dreyfus devenu lieutenant-colonel et chef du service de renseignement militaire, mène son enquête quand il découvre qu'Alfred Dreyfus a été condamné à tort. Il découvre que beaucoup de membres de l’administration française préfèrent le mensonge...
Un projet de longue haleine
A l’origine, le film de Roman Polanski s’inspire du roman D. (An Officer and a Spy) de Robert Harris publié en 2013. Cette auteur britannique est bien connu de Polanski puisqu’ils ont déjà collaboré sur The Ghost Writer sorti en 2010.
Le réalisateur voulait depuis un moment faire un film sur l’affaire Dreyfus et même à partir de 2010 où il déclare : “J’ai longtemps voulu faire un film sur l’affaire Dreyfus, en traitant le sujet non comme un drame en costumes mais comme une histoire d’espionnage.”
Avec un projet comme J’accuse, Polanski pouvait enfin “montrer son absolue pertinence par rapport à ce qui se passe dans le monde aujourd’hui - le spectacle séculaire de la chasse aux sorcières à l’encontre d’une minorité, les tribunaux militaires secrets, les agences de renseignement hors de contrôle, les dissimulations gouvernementales.”
Une adaptation plus compliquée que prévu
Le début de l’adaptation ne se passe pas comme prévu. Le réalisateur est poussé par ses producteurs à tourner en anglais pour que le film soit plus facile à vendre. Pendant 7 ans, Polanski s’est débattu pour quand même réaliser ce projet aux Etats-Unis . En vain. Néanmoins, la suite est d’autant plus belle. Fin 2018, le producteur Alain Goldman entre dans l’aventure et décide d’accompagner Polanski avec 3 conditions : le titre sera « J’accuse » ; il sera tourné en langue française ; Jean Dujardin incarnera Picquart.
Très vite, les deux hommes développent une proximité culturelle et historique. On connait tous le résultat, puisque le film va rafler plusieurs prix internationaux dont le grand prix du jury à la Mostra de Venise ou le prix FIPRESCI.
Une oeuvre unique
Pour les amateurs de cinéma, la scène d’introduction, qui est l’humiliation publique de Dreyfus, condamné à retirer ses grades devant sa hiérarchie suffit pour vous montrer l’étendu du talent du cinéaste. La scène d’une violence sèche permet de donner le ton d’un film, qui va pouvoir explorer les méandres de la corruption étatique.
Accompagné par des grands acteurs français, J’accuse est séduisant et même passionnant grâce notamment à l’interprétation de Jean Dujardin, dans un rôle ou on ne l’attend pas forcément. Son personnage le Colonel Picquart lui va comme un gant. On peut lui admettre que c’est fort d’être impassible comme un soldat de l’époque. Chapeau à lui. Toutefois, il n’est pas à le seul à pouvoir avoir des lauriers, l’ensemble du casting le mérite amplement, que ce soit Louis Garrel en Dreyfus, Gregory Gadebois dans le rôle du Colonel Hubert Henry, ou Mathieu Amalric pour Alphonse Bertillon.
Donc, Roman Polanski est à son apogée dans ce thriller en intérieur, ou il arrive à faire ce qu’il fait de mieux. Le pesanteur de l’administration et de la société française est remarquablement représenté. Le spectateur en est bien conscient avec la focale sur Picquart, qui peut être étonnant étant donné la figure antisémite de ce colonel. Néanmoins, cela est écarté au profit d’un homme rongé par ce qu’il se passe autour de lui et qui souhaite avant tout suivre le sens du devoir de la vérité. Le film fait événement et on comprend bien pourquoi.