En dépit du Lion d’argent remporté à la Mostra de Venise et du César du meilleur Réalisateur, le dernier film de Roman Polanski ne manque pas de susciter des conflits abscons : complicité de viol au simple visionnage, crachat à la gueule des victimes en cas de récompense, séparation de l’homme et de l’artiste. Je ne veux, ici, et je l’annonce, faire ce que tous devraient s’engager à faire n’en déplaise aux inquisiteurs modernes : ne parler que de cinéma.
Roman Polanski replonge dans l'Affaire Dreyfus, un moment phare de l'histoire de France. Le lieutenant-colonel Picquart, interprété par Jean Dujardin, mène une enquête afin de dévoiler la vérité et d’accuser les vastes machinations de ses supérieurs lors de l’un des plus grands moments d’injustice de l’Histoire de l’humanité.
Une leçon d’Histoire
En vérité, le nom d’Alfred Dreyfus évoque quelque chose même au pire cancre de la classe. L’affaire Dreyfus constitue un conflit social, politique, militaire, et même religieux. On la considère à juste titre comme un symbole d’injustice, car il s’avère que Alfred Dreyfus fut la victime d’une vaste machination visant à le rendre coupable d’espionnage pour le compte de l’ennemi Allemand. Un complot, rien de plus rien de moins, où l’accusation ne repose que sur des documents falsifiés, des témoignages douteux, et par le simple fait qu’Alfred Dreyfus était juif. Toutefois, le conflit éclate réellement à un niveau supérieur au moment de la publication d’Émile Zola « J’accuse », pour cette raison il est naturel que le réalisateur Roman Polanski en reprenne l’intitulé pour le titre de son film.
Le film de Roman Polanski dépeint des fonds de polémiques nationalistes et antisémites et conserve cette aura tout au long du récit. Dès le commencement, le Capitaine Alfred Dreyfus perd son titre militaire lors d’une scène très théâtralisée face à ses compagnons d’armes mais aussi face à la population. Impuissant, la seconde punition est une incarcération sur l’île du Diable où il sera persécuté pendant plusieurs années. Indéniablement, le film est le véhicule de nombreuses réflexions et est certainement une œuvre à ne pas manquer pour élever les consciences. Loin de se caractériser uniquement comme la persécution d’un homme juif, il est aisé de développer une vision plus générale qui s’applique à tous les jugements moraux.
Une leçon de cinéma
Ainsi, l’humiliation d’Alfred Dreyfus en guise de première scène impose un cadre oppressant qui implique immédiatement le spectateur. Cependant, la thématique de l’injustice est maintenue continuellement en suivant non pas l’histoire de Alfred Dreyfus, mais celle du lieutenant-colonel Picquart (Jean Dujardin) dans sa quête de vérité.
Motivé par l’honneur, Picquart profite de l’obtention récente de son nouveau poste en tant que chef de service au renseignement militaire pour s’improviser en Sherlock Holmes et enquêter sur le vrai fond de l’Affaire Dreyfus. De cette façon, le film se transforme rapidement en thriller d’espionnage où nous emboitons le pas de Picquart de bureaux en bureaux afin de faire éclater l’affreuse vérité. Ses découvertes sont pour le moins repoussantes tant elles incarnent une injustice perpétrée par un bal des menteurs conscients des mensonges qu’ils prolifèrent, mais désireux de les maintenir et de les cacher par tous les moyens nécessaires.
L’enquête perdure et s’accommode d’un rythme stimulant où les trouvailles de Picquart l’enfoncent au plus profond de l’affaire jusqu’à s’enliser avec celle-ci. Le récit donnant ainsi à la fois corps aux enjeux politiques mais aussi aux répercussions sur l’humain notamment dans le cadre de l’opinion public qui prend position sur le fondement du simplisme et de l’amalgame. Comme en témoigne le mot « juif » qui se transforme en une insulte à l’encontre de tous ceux qui osent défendre Alfred Dreyfus.
J’opine
J’accuse est non seulement un film doté d’une écriture dense et fouillée, mais aussi un film qui possède une histoire labyrinthique et compliquée. Même en connaissant l’issue à l’avance, ces particularités sont maintenues grâce à l’admirable jeu d’acteur de Jean Dujardin. Dans le rôle de Picquart, l’enquête se réalise dans un contexte paranoïaque de pré-Guerre et nous implique émotionnellement dans une quête tortueuse de vérité et de justice.
Sans nul doute, « J’accuse » est un grand film sur l’Injustice et narre avec passion l’histoire de ses personnages dans un environnement où règne la lutte entre le prix de la vérité et le prix du mensonge.
Ce n'est pas une autre Affaire Dreyfus, mon général.
C'est la même.