Avec un tel sujet que celui de l'affaire Dreyfus, on pouvait craindre un Polanski mêlant cette face sombre de l'Histoire de France avec ses démêlés judiciaires, ainsi que les jugements hâtifs de l'opinion publique, et heureusement il n'en est rien, et J'Accuse peut se passer de cette forme de lecture.
Cette affaire, qui n'a jamais réellement eu droit à une introspection par le cinéma français si ce n'est au début du siècle dernier, est entre les mains de Roman Polanski depuis plusieurs années, et il parvient à en faire un grand film historique. Il mêle cet aspect à un côté thriller judiciaire mais aussi humain, où il va décortiquer les failles que l'on trouve en eux, mettre en avant les diverses opinions et les dilemmes auxquels les personnages seront confrontés, toujours avec le prisme du calvaire vécu par Dreyfus, tant physiquement que moralement.
Il prend son temps pour raconter cette affaire et présenter les différents personnages, axant son récit sur Picquart entre ses antécédents, ses révélations puis son combat pour la justice, lui qui, avec le temps, est resté dans l'ombre de Zola. S'associant à Robert Harris, auteur du roman D, pour le scénario, il se montre d'une incroyable justesse, tant dans l'écriture que la mise en scène, sachant faire ressortir toutes les sensations et les contradictions des protagonistes. Il trouve la bonne alchimie entre tous les éléments, sachant donner de l'importance à tous les personnages, sans s'éloigner du sujet principal.
Il tire de ce sujet périlleux une véritable atmosphère prenante, rendant son oeuvre immersive grâce à une parfaite utilisation des décors, une mise en scène aux petits oignons, une formidable reconstitution sans être tape-à-l’œil ou encore la bande-originale d'Alexandre Desplat. Toujours capable de coup de génie derrière la caméra, il reste tout de même assez sobre la majorité du temps, tandis qu'il démontre, à nouveau, sa capacité à tirer le meilleur de ses comédiens, ils sont tous très bons, à l'image d'un Jean Dujardin très juste et des nombreux seconds rôles.
En signant J'Accuse, Roman Polanski démontre, si besoin, qu'il est encore un grand metteur en scène, proposant un film historique aussi fascinant que captivant, où il fait preuve d'une grande justesse, tant derrière la caméra que pour sublimer ses comédiens, le scénario ou la magnifique reconstitution.