Long-métrage d'animation, J'ai perdu mon corps nous plonge dans une exploration sensible de nos sens.
C'est la perte de notre corps - et des sens qui y sont directement liés - qui offre la possibilité de le redécouvrir mais plus encore de prendre conscience de son existence corporelle.
Le premier et principal sens abordé dans cette fiction est le toucher. Pianiste puis menuisier, Naoufel (l'homme dont nous suivons le parcours) entretient de fait un rapport particulier au toucher. Ce rapport particulier est explicité par la perte de sa main, mais surtout par le fait de suivre le parcours de cette main, devenue une forme de vie à part entière.
L'interrogation de l'ouïe en tant que sens nous invite à penser aux modes de communications utilisés dans la société. En faisant une rencontre par microphones interposés, Naoufel et Gabrielle développent une relation sans rapport à l'altérité si ce n'est pas la voix de l'autre. Le corps semble oublié, tout du moins le corps visible, pour laisser place au corps imaginé.
L'oeuvre nous montre également l'importance que prend la vision et l'obsession de connaître et d'avoir un rapport sensible au corps de l'Autre dans toute relation humaine. Naoufel part ainsi à la rencontre - physique et matérielle - de Gabrielle ; il ressent le besoin de découvrir son corps. Lorsque cette voix prend corps, c'est finalement une nouvelle relation qui s'instaure entre les deux personnages. La vision est par ailleurs mise en avant dans le cadre d'un accident de voiture : ne plus utilisée sa vue à bonne escient peut ainsi s'avérer particulièrement dangereux.
L'odorat et le goût sont eux aussi partie prenante de l'oeuvre notamment par le biais des rats du métro parisien (je n'en dit pas plus ici...).
Faire appel à ses sens, c'est également prendre conscience l'importance du mouvement des corps dans l'espace. Le mouvement est ainsi expérimenter par Naoufel, le personnage principal, comme un sens inconnu. Une fois qu'il prend en compte la proprioception comme sens à part entière, celle-ci lui offre de nouvelles possibilités. Le mouvement s'apparente ainsi à un saut vers l'inconnu, à l'opportunité de découvrir et de s'approprier un nouvel espace.
L'oeuvre nous invite ainsi à prendre conscience de son corps, car cela revient alors à prendre conscience du sens donné à sa vie - du destin -, pour, éventuellement donner lui donner un sens nouveau.
Contexte : film vu le 10 novembre 2019 dans une salle de cinéma.