De ce film parfois glaçant, on ne se désaltère pas vraiment si ce n'est d'hémoglobine et de violence. D'abord, le motif de J'ai rencontré le diable, énorme : la vengeance.

"Faire souffrir ce salaud autant qu'elle a souffert" dit Soo-hyun, agent des services secrets coréens : défi accepté ! S'acharner à ce point sur le meurtrier de sa femme pose question sur la crédibilité de la force de la tourmente qui en résulte, au point d'entretenir à plein régime et dans la durée, cette terrible vengeance : deux heures de châtiment si on enlève le temps du drame de départ.

Ensuite, outre cet aspect discutable de motivation intrinsèque du personnage principal qui accentue la vision cinglée et pessimiste des hommes, s'ajoute une violence crue et si exacerbée, néanmoins dépourvue d'effets grossiers et de poncifs. Cette violence s'accumule dans le film tant est si bien que cela crée, dès la dernière heure du film entamée, un effet de saturation, avec cette sensation de longueurs.

Le réalisateur s'assure que nous restions au plus près du vengeur qui a son idée fixe, comme du brutal serial-killer (obscène Choi Min-sik), afin que nous devenions des spectateurs fascinés par leurs pulsions ou leurs actes insensés. Fascinés peut-être... ou écœurés par surdose.

La confrontation entre les deux protagonistes survient assez vite après trois quarts d'heures d'enquêtes et de méfaits (la meilleure partie du film), et le récit bifurque sur un chemin moins crédible, celui d'une chasse impitoyable et cruelle qui transforme le vengeur en bourreau et le prédateur en proie. Le scénario crée alors des imprévus invraisemblables comme la rencontre dans un taxi de tueurs qui sortent de nulle part (comme si la violence attirait la violence) mais qui débouche sur une scène magistralement filmée, même si aberrante en soi.

De scènes violentes en scènes violentes, ces concentrés de brutalité et d'acharnement relèvent d'une certaine complaisance à apprécier une esthétique froide du sanglant, du dépravé, de la lutte acharnée, des coups et chocs qui pleuvent et qui durent. D'une tension exaltée par les confrontations entre les personnages (il multiplie les affrontements en "duel" et les personnages morflent à tout bout-de-champ), naît un thriller qui active chez nous la pulsion scopique d'un film horreur, qui fonctionne comme une sorte d'exutoire, nous imposant, non un point de vue moral ou une vision manichéenne, mais une violence crue, brute de décoffrage.

Même si parfois la mise au point en plans rapprochés sur les personnages laisse à désirer, Kim Jee-woon compose ses plans, soigne ses mouvements de caméra : de nombreuses prises de vue en plongée, des travellings sophistiqués qui nous permettent de capter l’attention, qui vont chercher l'action en hors-champ, ou font passer d'une scène à une autre, révélant le détail qui fait avancer l'intrigue, accentuant la course, mais parfois avec des codes visuels de film d'horreur donc (la scène de torture/tuerie chez le cannibale est d'ailleurs filmée en ce sens, avec succession de gros plans rapides mais complaisants, une musique typique, une course dans les couloirs, visages tordus de douleur, etc.)

Les acteurs sont inégaux. S'en sort très bien Choi Min-sik, mais Lee Byung-hun est assez terne. Les personnages secondaires sont de manière générale insipides et plats (le vieux et la vieille, le taxi, le beau-père, les femmes victimes, les policiers...) à part peut-être l'ami cannibale sorti de nulle part (comme les tueurs du taxi) qui s'applique à la jouer dégueu.

Un film hyperviolent, pour les amateurs d'hémoglobines et de cinéma formel coréen.

J'ai apprécié :

- Les travellings, certains plans du film très bien composés et montés.

- La scène du taxi où la caméra tourne autour du véhicule

- Certaines scènes de luttes impressionnantes de technicité et de points de vue

J'ai moins apprécié :

- la violence trop complaisante jusqu'à saturation

- le film qui semble ne jamais se terminer

- La vengeance acharnée.

Taliecine
5
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le 6 janv. 2024

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Taliecine

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