Il existe des films qui vont tellement loin dans la merde qu'on a envie de défoncer la tête des responsables avec ma même ferveur qu'ils mettent à tisser leur ouvrage.
I Saw The Devil est de ceux-là.
Kim Jee-Woon était pourtant en progrès :
Deux Sœurs était un conte horrifique raté et hilarant de connerie ( je n'avais pas ri autant depuis Shining ) avec des twists qui ridiculisent Shyamalan par leur idiotie ;
A Bittersweet Life s'en sortait carrément mieux malgré une fin en mode "haha j'vous ai bien eu!" complètement gâtée ;
The Good The Bad The Wierd était bien plus sympathique, même si tous les rôles n'étaient pas soignés il proposait une forme de cinéma d'action foutraque et virevoltante.
En progrès me dis-je.
En progrès ? Non ! Il nous livre ici un film-de-vengeance-qui-vire-au-sordide tellement débile qu'en énumérer les tares relèverait de l'épreuve olympique ! Mais comme je me sens dans une forme olympique c'est parti...
Le film est tout d'abord maladivement démonstratif : tous les enseignements a tirer sont déclamés a haute voix comme dans les pires pièces de theatre.
" Moi qui ai passé trente ans dans la police, je n'ai rien pu faire, bouhouhou... "
" Ô, il te prend en chasse et il te relâche, il te prend en chasse et il te relâche... Il y prend plaisir ! "
" Mais enfin voyons... On ne combat pas les monstres en en devenant un !"
C'est dégoulinant de bon-sens. Et, cerise sur le gâteau, il en remet une couche avec des Flash-Backs dignes d'un mauvais Hollywood Night : " Hé je me souviens qu'il y a cinq minutes à peine, mon camarade m'a dit ' il te prend en chasse et il te relâche, il te prend en chasse et il te relâche...' Ça m'a tout l'air d'une information vitale, j'ai bien fait de m'en souvenir ! "
Alors que par ailleurs, quand ça l'arrange, le film omet des pans entiers de narration qui m'auraient bien aidé a comprendre la psychologie de Choi Min-Sik... Au commencement il est formellement décrit comme un prédateur qui ne fait que tuer. Et puis d'un coup il est pris d'une envie de violer sa victime, et plus tard son acolyte indique qu'en fait il fait ca a chaque fois... Ah bon.
Tant que j'y suis, aucune des filles qui ont failli de faire violer n'a tenté d'entrer en contact avec la police. Et Lee Byung-Hun n'est jamais inquiété par quiconque au sujet de ces agissements, même quand la Police est au courant ! Encore une omission a la con.
Vous l'avez compris, la narration est complètement bâclée. Et si elle ne l'est pas c'est qu'elle est le travail d'handicapés mentaux. Autre preuve s'il en fallait une : le moment où Byung-Hun retrouve la bague de sa fiancée est le coup de théâtre le plus improbable depuis... La fin de la saison 3 de Nip/Tuck !
AUCUN des seconds rôles n'est un tant soit peu étoffé. Ils ne sont que des pantins destinés à croiser le chemin des deux monstres au petit bonheur la chance. Par conséquent, ils se contredisent constamment. La palme revient au comparse schizophrène de Lee Byung-Hun. Au début du film : " j'ai pris cette capsule en douce, il faut qu'elle revienne intacte, je veux pas avoir d'ennuis... " A la fin : " ah oui au fait j'ai mis les enquêteurs sur écoute ! " WTF ??
L'exécution des scènes de barbarie n'est pas a remettre en cause. Kim Jee-Woon filme bien et il le sait. Mais il n'est à l'aise que dans un univers de Cartoon qui ne sied pas du tout à cette entreprise. Il cède trop vite a la caricature et au grand-guignol. Il en résulte un film complètement raté et sans valeur. Si vous voulez voir un affrontement psychologique démentiel au discours élaboré sur l'essence du Mal, tournez-vous plutôt vers Balada Triste.