Pour me plonger dans l'ambiance québécoise que je vais pleinement goûter dans quelques jours (et je n'en dirai pas plus parce que ma vie privée ne concerne que moi, malotrus), j'ai regardé sans sous-titres "J'ai tué ma mère" que moult amis m'avaient chaudement recommandé et on comprend pourquoi. Je ne sais pas bien quelles caméras ont été utilisées pour le tournage, mais j'en veux une à Noël parce qu'elles rendent tout le monde particulièrement beau (et arrivent même à dissimuler le ridicule de certaines coiffures particulièrement audacieuses).

Omettons pour quelques moments le côté franchement hipster de la chose, et imaginons qu'au lieu de citer Cocteau et Musset, Xavier Dolan cite Frédéric François et Bernard Werber (d'ailleurs, le générique de fin défile sur Tino Rossi, ce qui prouve que ce film est moins prétentieux qu'on veut bien croire). Imaginons encore que la scène du passage à tabac n'existe pas, parce que j'admets volontiers qu'elle ne sert pas à grand chose (même si elle a peut-être bel et bien eu lieu, qui sait où commence la fiction et où s'arrête l'autobiographie). Imaginons enfin que la prof n'a aucune attirance malsaine pour le jeune Hubert, ce qui rend la chose plus crédible parce qu'il a seize ans, bordel, et que tous les profs (à la différence des curés) ne sont pas des pédophiles en puissance. Ça fait beaucoup à imaginer, mais nous avons de l'imagination.

On se retrouve alors devant un très bon film, extrêmement bien rythmé et rempli d'instants délicieux ou horribles. Je salue la justesse d'Anne Dorval, qui incarne à merveille cette mère assez banale qui ressemble à la mienne (le bon goût en moins), partagée entre l'exaspération la plus complète et l'amour fasciné pour cette grande chose étrange qui, jadis, est sortie toute fripée d'entre ses cuisses, maculée de placenta. Et je salue également la prestation de Xavier Dolan, même si son mérite est moindre - après tout, ayant joué dans des publicités vantant les mérites de Jean Coutu dès sa plus tendre enfance, il est naturellement à l'aise devant une caméra, à plus forte raison quand c'est lui qui la manie.

Pour tout dire, ce qui m'a vraiment plu dans ce film, c'est qu'on ne sait pas du tout où il va finalement mener. Le rebondissement du pensionnat m'a nettement plus surpris que tous les "twists" vains et futiles que nous servent et nous rabâchent les séries américaines les plus stupides du moment, et n'était cette scène de baston (qui m'a déçue justement parce qu'elle était prévisible) j'aurais vogué de surprise en surprise. Certaines trouvailles visuelles sont un peu déconcertantes, mais après tout pourquoi pas ? Anne Dorval qui court au ralenti dans une forêt flavescente en robe de mariée, moi, ça me fait kiffer. Tout comme les délires dripping homoérotiques.

Ce qui énerve peut-être tous les détracteurs de ce très jeune réalisateur, c'est qu'il ait la prétention de faire une œuvre. Une "œuvre artistique", comme il le dit dans une interview. Ciel, grands dieux, bonté miséricordieuse, le mot tabou ! Le cinéma, utilisé comme autre chose qu'un divertissement ! Une tentative, sinon de faire réfléchir, mais au moins de proposer quelque chose d'un peu joli, d'un peu drôle, d'un peu touchant... Quelque chose qui a des résonances romantiques, quelque chose de pas tout à fait abouti, sans doute, mais qu'on regarde en repensant à ce qu'on écrivait nous-mêmes à seize ans...

Bon, j'avoue, j'aime ce film uniquement parce qu'il est québécois (et plein de beaux gosses).
Anonymus
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le 22 août 2011

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Anonymus

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