Comment ne pas s'arrêter sur ce tout jeune homme qui a écrit son premier long-métrage à 17 ans et l'a réalisé à l'âge de 19 ?
Une première oeuvre dense, fiévreuse et nourrie de haine à l'image de son auteur, adolescent rebelle, excessif, passionné, voire rageur et revanchard derrière sa gueule-d'ange.
Un film qui traite de la différence laquelle ne laisse pas de l'interpeller dans la société actuelle et une réalisation en partie autobiographique dont il ne s'est pas caché :



C'est autobiographique dans le sens où j'ai moi-même eu une relation houleuse avec ma mère et que, maintenant que je vis seul, on s'est rapproché. Il y a eu un épisode adolescent de ma vie qui a été caractérisé par ma révolte contre ma mère et contre les différences abyssales qui nous divisaient.



Hubert pour son malheur vit seul avec sa mère, et tels deux amants en désamour ne la supporte plus, toute tendresse l'ayant déserté depuis qu'il est en âge de la juger: le moindre détail l'insupporte chez cette femme qu'il trouve laide, épiant sur son visage, avec une joie mauvaise, les marques du temps ou la miette de pain collée à ses lèvres, redoutant sur le sien l'air de famille qu'on pourrait y lire, raillant avec une cruauté sans mélange ses pulls ringards et déformés aux couleurs criardes, et sa façon de manger inélégante, vorace et bruyante : une remise en cause, féroce et sans appel, de l'adulte et de la famille, qui pourrait paraître banale, tant elle est fréquente à l'adolescence, n'était la forme paroxystique qu'elle revêt, proche de l'obsession et de la névrose.


La parole ici devient cri, l'amour est devenu haine, la révolte s'exprime au quotidien avec une force inégalée, et pourtant ce n'est pas si simple : ne serait-ce pas plutôt un trop-plein d'amour qui ne sait ni ne peut s'exprimer ? Car derrière le mépris affiché, les camouflets, les affronts, les rebuffades et les insultes à peine déguisés, ces deux-là s'aiment, n'en doutons pas, et à cet égard les scènes finales belles et émouvantes, nous renvoient au paradis perdu de l'enfance quand la mère et l'enfant unis dans la tendresse et le jeu, le rire, les étreintes, ou les larmes, ne faisaient qu'un.
Un film cru, dur et cruel, mais d'autant plus prometteur.

Aurea
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Gay gay, marions-les! et Pas des beautés classiques mais elles plaisent !

Créée

le 7 avr. 2012

Critique lue 3.6K fois

138 j'aime

36 commentaires

Aurea

Écrit par

Critique lue 3.6K fois

138
36

D'autres avis sur J'ai tué ma mère

J'ai tué ma mère
Sergent_Pepper
5

Œdipe adipeux.

Voir J’ai tué à ma mère après Mommy a tout de retour aux sources et d’un voyage dans le temps qui, s’il semble bref puisque le film n’a que 5 ans, est en réalité bien ample au regard de la carrière...

le 29 oct. 2014

85 j'aime

11

J'ai tué ma mère
DjeeVanCleef
3

Tiguidou !

« Hubert se ronge les ongles et fait des manières » Bon, je sais que je vais encore passer pour un vieux con. J'ai l'habitude et je crois, pour te dire la vérité, que j'aime ça. Mon problème, pour...

le 12 juil. 2014

66 j'aime

14

J'ai tué ma mère
eloch
9

"Faudrait pouvoir se tuer idéalement dans nos têtes puis renaître après"

"C'est ça qui fait qu'ils deviennent fous. La tension est inévitable. Ils ne sont jamais dans le quotidien de la passion. Ce n'est pas vivable, jamais, un amour pareil... il n'y a que la mort qui...

le 3 janv. 2013

49 j'aime

4

Du même critique

Rashōmon
Aurea
8

Qu'est-ce que la vérité ?

L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau." Vérité et réalité s'affrontent dans une oeuvre tout en clair...

le 30 oct. 2012

424 j'aime

145

Call Me by Your Name
Aurea
10

Parce que c'était lui...

Dans l'éclat de l'aurore lisse, De quels feux tu m'as enflammé, O mon printemps, mon bien-aimé, Avec mille et mille délices! Je sens affluer à mon cœur Cette sensation suprême de ton éternelle...

le 23 févr. 2018

372 j'aime

278

Virgin Suicides
Aurea
9

Le grand mal-être

J'avais beaucoup aimé Marie-Antoinette de Sofia Coppola, j'ai regardé sur Arte, Virgin Suicides, son premier film qui date de 1999, véritable réussite s'il en est. De superbes images pour illustrer...

le 30 sept. 2011

362 j'aime

114