Non, désolé, on ne vomit pas toujours !
Est-il vain de vouloir refaire le monde ? Ce court métrage répond par l'affirmative et laisse bien peu de place à l'espoir.
Bien que très bref (à peine plus de trois minutes), voilà un court-métrage déprimant au possible. Composé majoritairement de photos, qui sont vaguement animées (déchirées, annotées), c'est surtout la voix off qui fait avancer le propos, une voix off déprimante, celle de François Muller dont j'apprécie globalement le ton, notamment quand il dit par exemple : « On s'entasse dans un meublé. Un boulot et puis une bagnole avec l'ouverture centralisée et la clim en option » sur des photos de véhicules délabrés. Il y a de l'humour dans le propos, incontestablement, qui se présente comme une sorte d'analyse de notre parcours d'humain de l'enfance à la retraite.
C'est sombre, et dérangeant : il y a du vrai dans ce qui nous est présenté, mais c'est beaucoup trop pessimiste à mon avis. Et je trouve le propos un peu contradictoire : pour les auteurs, les rêves puis les révoltes des jeunes sont vains car voués à l'échec. De toute façon ils vont grandir et finir par se soumettre et accepter leur misérable condition (pour aller vite). Et en même temps, à la fin, le texte nous incite à accomplir notre rêve d'enfant, ce serait notre seule chance. En gros, on nous dit qu'on n'a aucune chance de changer le monde et de réaliser nos rêves et ça se termine en disant que notre seule chance est d'accomplir ce rêve. Je n'ai peut-être pas tout compris, mais il me semble qu'il y a quelque chose de pas très cohérent dans le message.
Le texte est aussi un peu trop caricatural à mon goût (les jeunes se révoltent, les jeunes picolent et se droguent, avant de se résigner en bons consommateurs, le vieux n'attend que son programme télé). Comment pourrait-il en être autrement, avec un aussi petit format, en aussi peu de temps ? Mais il n'empêche que ça me gêne un peu, je trouve le message condescendant pour la jeunesse, on n'a pas le droit de dire ça aux jeunes. Il y a certainement une part de vérité, la société pervertit la jeunesse, fait de l'enfant et des ses rêves un consommateur blasé et passif. C'est sans doute en partie vrai, mais je connais des retraités qui se battent encore pour changer le monde, des tas de gens qui ont encore espoir alors que la déprime devrait les gagner, et des jeunes à qui l'on n'a pas le droit de retirer tout espoir, même s'il n'est pas évident de considérer leur avenir autrement que sombre, surtout en ce moment. Cet espoir est-il illusoire, faut-il se résigner à une avenir sombre et creux ?
A un moment, la voix-off dit que demain il pleut, donc il n'y a rien à faire. Chez moi, en Bretagne, on dit qu'il ne pleut que sur les cons. En gros je veux dire qu'il ne faut pas se laisser abattre mais se battre, rien n'est encore complètement perdu. Il est criminel de nous enlever le rêve.
Il y a une petite partie positive tout de même, ilot dans un océan de déprime, quand le jeune se résigne mais commence à profiter de choses simples, la petite gorgée de bière de Philippe Delerm par exemple plutôt que les cuites à la bière évoquées auparavant, mais pour moi, on peut profiter de l'instant présent, carpe diem, sans pour autant renoncer à vouloir changer le monde, ou, au moins, à essayer de rendre heureux les gens autour de soi, ce qui n'est déjà pas si mal.
Bref un film sombre à toutefois ne pas prendre au pied de la lettre. L'espoir est encore possible.