J'enrage de son absence par pierreAfeu
Après le très beau documentaire Elle s'appelle Sabine (juste, militant et bouleversant), Sandrine Bonnaire s'attaque de front à la fiction avec un sujet âpre et un traitement ad hoc. Si le film n'est pas parfait, il illustre le degré d'exigence que la comédienne applique à ses ambitions de metteuse en scène.
J'enrage de son absence évoque la mort d'un enfant et les silences qui l'accompagnent. Entre celui qui vit sa douleur à chaque seconde et celle qui tente de (re)vivre à nouveau, Jacques et Mado gardent en commun la mort de leur fils, cette mort dont ils parlent encore alors que plus personne n'en parle. Ils se retrouvent après huit ans de séparation. Elle a eu un autre fils avec un autre.
Le film démarre lentement, et garde jusqu'au bout un rythme presque mécanique qui prend le temps de poser les choses. Froid et tendu, il ne sort pas des chemins balisés dans une première partie juste mais classique, avant de prendre une tangente salutaire, qui le mène crescendo vers un final très réussi. Cette seconde partie déraisonnable voit les personnages perdre pied et le film prendre chair, dans une narration qui choisit de pousser les non-dits jusqu'à l'explosion. C'est dans ce cheminement jusqu'au boutiste que Sandrine Bonnaire affiche sa détermination, et l'emporte.
C'est un peu une victoire par K-O, car J'enrage de son absence n'est pas exempt de défauts ou de maladresses : des dialogues trop (et pas toujours bien) écrits, et quelquefois inutiles, quelques longueurs, des scènes superflues. Mais on gardera en mémoire un final enragé et un dernier cut parfait. Il faut aussi saluer un casting très juste, donc évident : William Hurt, Alexandra Lamy, Augustin Legrand et le jeune Jalil Mehenni font preuve d'un bel abandon et d'une totale sincérité.
J'enrage de son absence est un film qui avance sans peur. Brut, maladroit et volontaire, il préfère la dureté au pathos et la violence aux bons sentiments. C'est la preuve qu'il existe.
Présente à l'avant-première du Katorza, Sandrine Bonnaire a su déjouer les (habituelles) questions idiotes et/ou interminables, et défendre un film dont elle assume tous les partis pris. C'était un vrai bonheur de la voir telle qu'on l'imagine, souriante, profonde, aussi grave que drôle.