La mécanique du cœur s'est grippée
Vous vous souvenez de La Mécanique du Cœur ? Mais si, le livre de Mathias Malzieux, celui qui parle de Jack, né le jour le plus froid du monde, dont le cœur est une horloge. Non ? Vraiment ? Eh bien Mathias Malzieux – qui en plus d’être chanteur du groupe Dyonisos – vient d’en réaliser l’adaptation. Jetons un œil aux rouages du film !
« Et surtout, ne tombe jamais amoureux »
Avec le coucou qui lui sert de palpitant, Little Jack doit respecter trois lois : ne pas toucher à ses aiguilles; maîtriser sa colère ; jamais, ô grand jamais, tomber amoureux.
Bien évidemment, c’est cette dernière loi qui pose problème. Comment dire ? À sa première et unique rencontre avec Miss Acacia, chanteuse de son état, les aiguilles de Jack ne font qu’un tour. Voulant à tout prix la revoir, Jack se rend alors à l’école. Hélas, c’est sur Joe qu’il va tomber. Grand brun taciturne, terreur de la cour, et surtout, amoureux de la petite chanteuse, désormais partie en Andalousie. Pendant quatre ans, il maltraite Jack avec cruauté, qui finit par lui crever l’œil – par accident bien sûr – avec une de ses aiguilles. Il s’enfuit alors, direction l’Andalousie. C’est là qu’il va connaître la volupté et les peines de l’amour.
L’horloge s’est arrêtée
N’y allons pas par quatre chemins. Le livre est un incontournable de la littérature pour jeunesse. Contant avec maturité et humour les prémices de l’amour, Mathias Malzieux avait tout pour faire de l’adaptation une mécanique bien huilée. C’était sans compter une overdose de chansons, Grand Corps Malade, et un esprit peu fidèle au livre. Explications.
Dyonisos officie seul sur la bande-son du film. Comme ils sont un groupe de musique, ils jouent encore et encore. En français, et même en anglais. Résultat ? Mathias Malzieux – qui double Jack en plus de réaliser le film – entonne la chansonnette souvent, trop souvent. En français, les musiques restent agréables, et rythment bien l’ensemble. Mais en anglais, non vraiment, le chant dit « yaourt » prédomine, et c’est bien dommage. Quand à Olivia Ruiz, eh bah, elle fait du Olivia Ruiz. Heureusement, les partitions instrumentales sont immédiatement prenantes, et rehaussent le niveau sonore.
Devinez un peu qui double Joe, le ténébreux bourreau de Jack. Un indice, il slame comme personne. Vous vous en doutez, le point faible de l’équipe, c’est lui, Grand Corps Malade. Sa voix grave – vraiment très grave – ne colle pas du tout à Joe (qui est ado, rappelons-le). Mais imaginez qu’on lui demande de pratiquer sa spécialité pendant les dialogues. Oui vous avez tout compris, un ado ténébreux qui slame, c’est risible. La première fois, c’est drôle, mais quand même, on s’en serait bien passé.
Dans le livre, l’aventure de Jack est narrée avec brio. À la fois adulte par son ton, Mathias Malzieux réussit à s’adresser aux enfants, voire aux grands enfants, et faire croire au monde qu’il a inventé. Les jeux de mots sont nombreux, les clins d’œil aussi. Le tout forme un récit original. Le film change la donne. Le visuel, bien que splendide, retransmet mal ce que l’auteur réussit avec ses mots. De même que l’histoire, modifiée pour mieux convenir au format – pas de spoil c’est promis. Jack et la mécanique du cœur s’apprécie, mais ne tient pas la comparaison avec l’original.
Quelques bons côtés
N’allez pas croire que le film est nul. Honte à vous si c’est le cas ! On a rarement vu autant de poésie dans un film d’animation. L’histoire de Jack est touchante, son voyage vers l’Espagne aussi. Ses moments de joie et de peine sont connus de tous. C’est aussi pour cela que l’on s’y croirait. Même les émotions de la petite chanteuse sont partagées avec le spectateur, grâce aux branches de rosiers qui l’entourent dans ses moments d’humeur. Eh oui, avec l’amour, on peut aussi se piquer.
Jean Rochefort, qui double George Méliès – oui celui-là même si bien connu dans le monde du cinéma – apporte toute son expérience à l’œuvre. Même Olivia Ruiz est crédible, comme Mathias Malzieux – décidément, il est partout – qui connaît son personnage mieux que personne.
Alors oui, l’esprit et le ton de la Mécanique du Cœur ne sont pas tout à fait là dans ce long-métrage. Oui Grand Corps Malade, aussi sincère soit-il, nous fait bien rire – jaune. Oui, l’histoire n’est pas là même, et enfin oui, même le dernier Disney comporte moins de chansons. C’est dommage, car Jack et la Mécanique du Cœur regorge de poésie, de tendresse, et d’une originalité rare.