Jambon, jambon
6.2
Jambon, jambon

Film de Bigas Luna (1992)

Comédie tragique très particulière pour ces revendications identitaires et son caractère provocateur. Je ne l'avais pas vu depuis bien longtemps et j'ai été frappé par son ancrage dans l'esthétique des années 80 qui marquaient encore cette Espagne roots.

Dans le Nord désertique aragonais, les personnages sont posés au milieu de nulle part, sur une scène de théâtre antique comme le souligne maladroitement le dernier plan du film. On convoque ainsi un passé méditerranéen. Il faut dire combien ce film insiste sur ses attitudes, ses comportements culturels avec tous ses oripeaux sexuels qui font l'image des pays méditerranéens et de l'Espagne en particulier. Tout y passe, de l'éventail au taureau, de l'huile d'olive à l'ail : que ce soit dans le décor ou dans l'estomac l'Espagne, telle que Bigas Luna veut la dépeindre, s'affiche avec force.

Je ne sais pas ce que cherche le cinéaste. Veut-il ainsi rendre hommage à l'ambiguïté des liens sociaux, qui forge une culture à la fois machiste et matriarcale ? Parce que les femmes apparaissent comme les véritables maîtresses de la société. Alors que les hommes passent leur temps à jouer comme des enfants : ils titillent leur muleta, se tripatouillent le vermicelle et ne cherchent qu'à téter du nichon. Ou bien Bigas Luna entend-il démonter les clichés nationalistes de cette Espagne en montrant justement leurs limites et surtout leur finalité morbide ?

Dans tous les cas, on est amené à s'interroger, à rire parfois de la grossièreté du film, à s'ennuyer d'autres fois du symbolisme lourdingue que la mise en scène pas toujours finaude de Bigas Luna vient souligner.

Sur les trois premiers quarts du film, j'ai bien aimé en effet suivre cette histoire. Certes, elle est un peu cousue de fil blanc. Ou noir en l'occurrence, oui, il y a là du film noir. Les archétypes du genre sont nettement visibles. Pas de doute : le cinéaste sur certains plans montre une fascination pour un style américain en général, mais la tournure des événements peu à peu prend le chemin du destin fatal, c'est évident.

Ce qui permet de prendre plaisir devant ce canevas somme toute attendu, c'est la distance que la mise en scène parvient à prendre grâce à un humour provocateur, très gras. Bigas Luna pousse certaines scènes jusqu'à une outrance presque absurde. La scène du perroquet « waka » en est l'illustration parfaite. Anna Galiena, après avoir entamé une sorte de lap-dance sur la queue de son futur beau-fils, improvise une autre parade érotique en imitant à bouche déployée son perroquet. On atteint là un sommet de vulgarité, mais que je crois revendiquer, pleinement assumé, comme partie intégrante de ce tout que Bigas Luna veut raconter. Après, encore une fois, je ne sais pas s'il le dénonce ou s'il en fait l'éloge.

Durant la plus grande partie du film, on suit donc l'histoire d'amour entre Raul (Javier Bardem) et Sylvia (Penelope Cruz). Elle se développe avec autour d'eux des anges noirs destructeurs joués par Jordi Mollà et Stefania Sandrelli.

C'est agréable, je pense, surtout parce que tout le monde semble ne pas prendre tout cela bien au sérieux. C'est plein de fantaisie et de sourires entendus. Au contraire, le dernier quart d'heure se veut beaucoup plus sérieux ne semble-t-il. Les événements se déroulent avec plus de solennité : on entre alors dans la tragédie familiale, avec tout ce que cela suggère de poses, de cris, de gesticulations et de larmes. Le dernier plan rappelant tous les éléments symboliques et tous les personnages centraux est on ne peut plus éloquent. Et donc emmerdant à suivre. J'avais hâte qu'ils en finissent de leurs simagrées.
Alligator
6
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le 30 oct. 2013

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Alligator

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