Pétard mouillé, Jane Got a Gun avait toutes les cartes en main pour dégainer. Avec pour fil rouge le contre-pied aux clichés du western fordien, les arguments ne manquaient pas : féminisme avec Jane qui décide du destin des cow-boys, désenchanté dans sa vision de la conquête de l'ouest, et où l'humanité de chaque personnage recèle une part d'immoralité.
Le scénario, issu de la black list d'Hollywood, témoigne de son audace : des exécutifs de studio qui ne produisent pas un film en reconnaissant sa qualité d'écriture, sont des exécutifs hors de leur zone de confort. Au profil de bru idéale, succèdera une série noire. Lynne Ramsay, réalisatrice auréolée de son succès cannois, démissionnera le premier jour de tournage. Enclenchant des déboires avec la production, et déstabilisant la bonne route du film.
Gavin O'Connor, auteur du valeureux film de boxe "Warrior" et remplaçant au pied levé, assure une réalisation de belle facture. Déployant un classicisme solaire, il égrène quelques idées ingénieuses témoins de sa modernité : des prises de vues subjectives avec une profondeur de champ réduite, une lumière bleutée lors de séquences de nuit, et un jeu récurrent sur le point lorsque Jane shoote pour charger les plans.
Mais dès lors que le film doit agir comme un tout cohérent, il s'effondre. Si la réalisation trouve son équilibre, la structure pèche par un manque de rigueur. Chaque séquence, chaque action, est pensée dans l'attente du paiement, soit l'assaut final... Qui ne met jamais en danger Jane et son valeureux harem. Un ensemble de séquences monté avec les pieds, réglé en quelques instants, là où le métrage s'alanguissait dans des scènes sans antagoniste aucun.
Passons sur les flashbacks intégrés parce qu'il fallait bien les placer, et achevons par le clou du spectacle : le dénouement. Tandis que le scénario s'évertuait à regarder la face sombre du Far Ouest, reléguant les contes aux enfants, et témoignant de l'immoralité de chacun, un happy end parachuté du pays des Bisounours parachève de détruire la construction laborieuse.
La critique est amère, raison pour laquelle il s'agit de ma première : Jane Got a Gun pouvait jouer dans la cour des grands, et prétendre au rang de chef d’œuvre. Si j'avais la gâchette facile, peut-être m'épancherais-je sur la dangerosité du pouvoir d'un auteur, d'une réalisatrice, qui d'un refus de présence, déstabilise une production, et renverse les chances d'un film. Car Jane Got a Gun a ses qualités... Mais encore faut-il les deviner plus que les regarder.