Il y a certainement une question que tu te poses en préambule: c'était pas fini, la saga des Jason Bourne??? On appelait pas ça la "Trilogie Bourne"?
C'était évidemment sans compter sur Hollywood, capable de miracles scénaristiques, trésors d'inventivité ou simplement capable d'un cynisme incroyable. Ces mecs sont bons: je te rappelle qu'ils ont remplacé une dizaine de fois l'acteur jouant Chaning Capwell dans Santa Barbara sans même se justifier (même pas un petit accident de voiture/ chirurgie réparatrice, nan, rien). Et je ne reviendrai même pas sur le célébrissime rêve de Pamela dans Dallas, où l'on peut peu ou prou foutre une saison entière à la poubelle.
Là, gros challenge. L'ADN de la saga Bourne? Matt Damon, l'amnésie, Jason Bourne, le super-agent, le renouveau du film d'action-espionnage. On a plus Matt Damon.
Vu le public ciblé, difficile de leur faire gober le côté "Jason Bourne a changé de visage blahblahblah" (pratique pourtant souvent utilisée, voire même institutionnalisée chez son plus célèbre homologue du MI6. Mais c'est l'exception qui confirme la règle).
Alors, on va développer un personnage similaire à Jason Bourne, issu du même programme. Et, pour garder le lien avec Bourne, on va faire se dérouler cela en parallèle du dernier Bourne en date. Et on va truffer le film de micro-rappels du fait que "Bourne est passé par là (mais n'y est plus)", pour renforcer la filiation. Et, touche finale, on appelle ça l'Héritage de Bourne. Et ça va bien se passer...
Clever… Mais, pour reprendre mon illustration précédente, imagine le prochain James Bond sans 007, qui se déroule en parallèle de l'intrigue de Skyfall, mais avec un autre agent "00" en guise de héros, qui de temps en temps croise la piste de 007 passé quelques heures plus tôt à cet endroit.
"Tiens, une vodka-martini laissée à moitié vide sur le bar!!"
"Tiens, un dossier avec la photo de 007!"
Tu vois le point, j'imagine. Je te laisse seul juge sur la viabilité du concept, mais cela est apparemment largement suffisant pour les responsables financiers de chez Universal pour greenlighter le projet "Bourne Legacy".
Mais sinon, ça donne quoi?
D'emblée, on est pas vraiment perdus. Certes, Mathieu Damon n'est plus là, et vu que tu connais mon expertise assez discutable sur le charme masculin, je ne me hasarderai pas à dire si Jeremy Renner est plus beau gosse.
En revanche, il est assez musclé, en témoigne les premiers plans, à base de je-me-baigne-dans-l'eau-glacée-et-je-me-bats-contre-les-loups-la-nuit.
Et à l'aise en environnement hostile (dans la montagne, avec juste un fusil et un sac à dos).
Les producteurs et scénaristes vouent certainement une admiration secrète, platonique (ou pas) à Grizz Bear, le mec de Man Vs Wild. Mais si, tu sais qui c'est, ne fais pas ton snob, tu ne trompes personne.
Et ils insistent, insistent sur sa capacité de survie en haute montagne. J'ai trouvé cette intro d'une longueur effarante.
S'en suit un combat avec des drônes assez original, pour te plaire à toi, le fan de Call of Duty.
Et tu te rappelles de la conclusion de ce combat? Comment il trompe le drône? En mettant le bug traceur qu'il a en lui sur le loup?
Evidemment que tu te la rappelles, vu que c'est EXACTEMENT LA MEME QUE DANS TOTAL RECALL (celui de 1990, hein, parce que c'est loin et avec un rat, sinon ça ferait copié). Pire: tu le vois arriver à 10kms (ou alors j'ai subi à mon insu le même entraînement de survie que les Bourne et frères).
Après, on reprend la recette Bourne: plan des méchants méchants de la CIA-et-autre-agence-US-conspirationniste-dégueulasse qui traque notre gentil agent, grosse baston chorégraphiée à la Jason Bourne avec gadgets Mc Gyver, une pleureuse-boulet-sidekick embarquée contre son gré mais qui reste malgré tout, de nombreux pays visités, des car chases et de la parlotte sur un scénar où l'on ne maîtrise pas vraiment les enjeux (enfin, ils ne t'intéresseront pas vraiment)…
Alors, tu vas me dire que ce film est tout pourri, non? Bah, non, c'est divertissant.
Renner est crédible, rugueux comme il faut pour offrir une partition différente de Damon.
Rachel Weisz est vraiment bien, pas irritante (pourtant une gageure vu son rôle), dégourdie, pleureuse crédible et très jolie girl next door.
Edward Norton est edwardnortonnesque (cherche dans ton dico favori, tu y trouveras la définition suivante: "Très bon acteur, qui change de physique à chaque rôle". Si ce n'est pas le cas, change de dico)
Et le reste du cast est à l'avenant.
C'est pas mal filmé, assez lisible (ce qui est assez notable,dans les chorégraphies jasonbournesques), mais un poil longuet.
Bon, le côté "surhomme, virus, agent modifié génétiquement" et le "Boss" asiate à la fin, ça penche plus vers le "Universal Soldier" straight-to-video que l'actionner blockbuster, mais comme je t'ai dit auparavant, le scénar ne m'a pas vraiment passionné, doux euphémisme.
Et puisque tu m'en parles, éluder le côté "amnésie" de la saga est une grossière erreur à mon sens, car c'était une ficelle émotive entre Bourne et le spectateur, qui avait ainsi l'impression de ne pas être le seul à ne rien comprendre aux enjeux du film.
Ah oui, sinon, j'oubliais: le côté "Mais où est Charlie" avec Jason Bourne est assez agaçant et complètement dispensable. Je pense qu'ils l'abandonneront pour le prochain (car je ne te surprendrai pas en te disant qu'il y en aura un prochain).
Moby prend toujours son cachet en end credits, pour valider encore une fois la prise de greffe. Je te dis ça car tu m'as récemment demandé des nouvelles du garçon.
Pas pire, mais pas inoubliable, en conclusion.