L‘évolution vers le fantastique et la SF amorcée précédemment est désormais entérinée : Jason va en enfer est moins slasher que film fantastique. Il est aussi moins slasher que drame ou thriller et il est moins Vendredi 13 que copycat de quelques succès du fantastique dans les années 1980. Il y a au moins cette continuité-là : un film mis au point par des opportunistes quasiment sans invention, un de plus. Après la virée à Manhattan qui constitue l’un des pires opus, la franchise est acquise par la New Line (productrice des Freddy), laquelle n’aura les droits sur le titre « vendredi 13 » mais ne l’utilisera pas. Sean Cunningham contribue a rachat de ces droits et peut donc revenir polluer la saga qu’il a lancée avec son misérable classique objectif du slasher de 1980.


Après son nouveau look du Chapitre 7 et l’apparition d’une sensibilité propre dans le Chapitre 8 (celle d’un réac puant mais fun), Jason est l’objet de nouvelles spéculations tortueuses. Le spectateur apprend les raisons de son invincibilité : ainsi le tueur de Crystal Lake a la faculté de passer de corps en corps. Cela n’a aucun sens puisqu’il a toujours été dans le même corps délabré de trisomique puis de créature rouillée, mais peu importe. Les trouvailles le concernant ne s’arrête pas là : en effet, un scientifique improbable, le premier possédé par l’âme de Jason, apprend à Steven que Jason ne pourra renaître à nouveau que par un Vorhees (il a épuisé son crédit de corps à occuper?). Et c’est par la main d’un Vorhees seulement qu’il pourra être tué. C’est-à-dire tué de manière définitive : en détruisant son cœur – là encore, grande nouveauté. Ainsi une famille Vorhees émerge de nulle part : ils sont encore deux, Jessica la femme de Steven et son bébé. Il y avait un troisième membre au début du film : le temps presse !


Ce Chapitre 9 en rupture dans le ton s’en remet donc à la bonne vieille tradition de pillage des concurrents propre à Vendredi 13, empruntant des éléments de scénario à Halloween et Halloween 2 pour se donner quelques béquilles. Le principe de la téléportation et la façon de l’approcher s’inspirent de Hidden et dans l’ensemble, les producteurs cherchent à reprendre Body Snatchers et le tirer vers l’action-movie badass. Une petite couche de comédie se juxtapose, avec la propriétaire du restaurant local et sa famille de dégénérés. La notion de complot omniprésente emmène le film vers le thriller et de nombreuses séquences relèvent plutôt du drame policier ; le slasher est circonscrit à quelques scènes, comme pour respecter des quotas. L’approche générale est plus normative, mais une normativité à la limite du Z. La bande-son, élément négligé auparavant, devient omniprésente, avec des musiques dictant les émotions d’inquiétude ou d’effroi de façon grotesque.


Les manques par le passé dans ce domaine étaient peut-être la seule vertu négative de la saga, celle simplicité jouant en la faveur de son effet de réel et donc d’un certain charme présent même dans les pires opus, sauf peut-être l’infâme Chapitre Final. Ces choix improbables dans la bande-son, pour nuancer la sécheresse générale, ne font que rendre le ton plus indéterminé encore. Ce Jason va en enfer se voulant très sérieux, tout en aménageant des plages de décontraction modérée, vire à la farce involontaire. Adam Marcus, Cunningham et la New Line tâtent un peu dans tous les registres et piochent dans chacune de leurs références de quoi remplir la barque. Ils ne réussissent qu’à s’éparpiller en trouvant une unité dans la gaudriole grandiloquente, pour un résultat comparable au fiasco de Massacre à la tronçonneuse 4. Celui-ci n’est pas un niveau particulièrement indigne par rapport à du Vendredi 13, aussi Jason va en enfer est un sombre ratage sans être aussi calamiteux que les opus 4 et 8, dépassant même son successeur l’atroce Jason X et l’infâme opus originel.


Les amateurs de la saga sont en général très critiques envers cet opus, ceux fermant les yeux sur la médiocrité crasse de certaines sequel passées perdant leur patience ici. Au contraire, les non-fans sont plus coulants et comme pour l’opus 8, les nanardeux se montrent intéressés, d’autant que l’échec de ce 9 est nuancé par les efforts manifestes de ses concepteurs(-pilleurs). Ainsi le début est assez encourageant et passée la bataille au clair de Lune (agitée mais soporifique), la disparition de Jason relève du bis épatant. Les trois dernières minutes sont belles et c’est déroutant. La griffe de Freddy sort alors de terre pour emporter le masque de Jason : le cross-over qui sortirait dix ans plus tard (Freddy contre Jason, 2003) s’annonce concrètement pour la première fois.


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/30/la-saga-vendredi-13/

Zogarok

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