Jay & Bob contre-attaquent par Ninesisters
Kevin Smith est devenu un réalisateur culte à partir des années 90, au moyen de quelques films un peu underground mais avec des budgets de plus en plus conséquents. Cette fois, il décide de donner le premier rôle au duo très identifiable qui apparait dans la plupart de ses œuvres : Jay, obsédé sexuel notoire au débit de parole illimité, et Bob, personnage silencieux interprété par Kevin Smith lui-même.
Ces films reposent sur plusieurs particularités : une forte exploitation de la culture geek de leur auteur, la qualité de dialogues pas franchement politiquement corrects, et un cercle d'amis de plus en plus large lui permettant de créer des castings impressionnants qu'il serait impossible de réunir autrement. Et le scénario ? C'est parfois là que cela coince ; ou du moins, il n'y avait aucun problème avec Clerks – justement car basé uniquement sur les personnages et leurs conversations hallucinées – ni avec Dogma et son concept aussi iconoclaste que jouissif. Par contre, avec Jay & Bob contre-attaquent, c'est bien là que ce situe le problème.
Concrètement, Jay & Bob contre-attaquent se présente comme une succession de scènes délirantes, marquantes, avec des répliques cinglantes et beaucoup d'imagination. Des quiproquos avec une religieuse en passant par la rencontre avec un drôle de gang dans une camionnette, la discussion avec un auto-stoppeur qui leur apprend les rudiments de son art, ou le tournage du dernier Gus van Sant, il y a vraiment des séquences d'anthologie. Malheureusement, quand il s'agit de lier le tout, nous ressentons une véritable baisse de régime, ponctuée de longueur et de vannes peu inspirées. Et c'est dommage, car nous obtenons un film très inégal en terme de qualité, capable du meilleur comme du pire.
La plus grande force du long-métrage repose probablement sur le casting et sur les rôles attribués à chacun, sachant que beaucoup joue justement leur propre rôle. Certes, nous y retrouvons des habitués de ces productions « geek », qui donnent parfois l'impression de continuer à tourner uniquement grâce à des réalisateurs fans de Star Wars ; Carrie Fisher et Mark Hammil pour ne pas les nommer (manque Billy Dee Williams). Mais il y a aussi des acteurs plus modernes, qui s'amusent à se parodier et à se moquer gentiment d'eux-mêmes ; Ben Affleck et Matt Damon qui se compromettent dans un improbable Will Hunting 2 (avec la complicité d'un Gus van Sant trop occupé à compter son cachet pour vraiment superviser ce carnage), Wes Craven qui tourne une enième suite de Scream, ou encore le héros de American Pie qui nous explique en avoir marre de n'être que « le mec qui baise des tartes aux pommes ». Souvent très bien trouvés, ces dialogues font mouche malgré un humour dans l'ensemble en-dessous de la ceinture.
Jay & Bob contre-attaquent souffle le chaud et le froid, alternant séquences savoureuses et remplissage inintéressant au possible. Difficile d'émettre un jugement définitif sur une œuvre aussi bâtarde, car il faut bien avouer que dans ses meilleurs moments, il s'agit effectivement d'un immanquable. Seulement, il ne faut jamais oublier que n'est pas Clerks qui veut.