Si je vous dis que je n’ai pas vu Je crie… je jouis !, le film de Claude Bernard-Aubert, personne ne va me croire. Donc je ne vous le dis pas.
- Moi, je te crois, me dit Princesse Mimosa, ma nièce préférée.
- Aaaah.
- Mais pourquoi tu veux parler d’un film que t’as pas vu ?
Ben oui. Pourquoi ?
Primo, les Français parlent présentement de foot de 7 heures le matin à 7 heures le matin, donc je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas aussi le droit d’être monomaniaque. Or ma monomanie, c’est le maillot des femmes – pas celui de Paul Pogba – et les jambes des baigneuses, pas la cheville de Neymar. Deuzio, c’est l’été, il fait chaud…
- Ah non tonton ! Tu vas pas encore parler de sexe ?
- Mais non. Je parle de paupières, de chevilles, de poignets – HYPER important les poignets – et puis de sourires, c’est la fenêtre d’un visage le sourire, la vue qu’on a sur l’âme. Et puis les larmes. C’est fondamental le goût des larmes : tu ne connais pas quelqu’un si tu connais pas le goût de ses larmes.
- Tonton ! T’avais dit que t’allais faire un été sans alcool…
Princesse Mimosa est un poney sauvage, une rivière du Connemara, mais elle ne respecte pas assez la Loi, la Nation et son tonton. C’est pourtant une jeune fille capable, le mercredi après-midi, de tuer Art Mac Cuinn en combat singulier, de construire le château d'Ath-Luqain dans la foulée et tout ça en commandant un Big Mac.
- Tu racontes vraiment n’importe quoi, tonton. Je préfère les Filet O’Fish.
Et oui, elle préfère les Filet O’Fish pêchés à mains nues rue de Rivoli, et oui, c’est une jeune amazone à cheval sur les détails McDo et oui, elle a des taches de rousseur plein les joues et oui, elle ne déteste pas quand je les appelle des « traces de douceur ».
- Tonton… C’est quoi le rapport entre ce que tu racontes et le truc youporn dont tu voulais parler ?
- Mais enfin ma Princesse, Je crie… je jouis ! n’est pas du tout un truc youporn. C’est un film pornographique de 1978.
- Oui, bon. Et pourquoi tu voulais m’en parler ?
- Je ne voulais pas t’en parler. C’est toi qui est toujours en train de regarder par-dessus mon épaule.
S’ensuit une discussion animée sur le fait de filmer ou de regarder des sexes en gros plans, masculins et féminins, ou des visages, ou des épaules – j’apprends à Princesse Mimosa que le blason en poésie classique consiste à consacrer un poème entier à un détail anatomique du corps féminin. Ainsi Clément Marot consacra une trentaine de vers à un beau téton, Maurice Scève 32 décasyllabes à un beau sourcil, Ronsard un sonnet à une joue, Du Bellay à des cuisses…
- Ok tonton, mais tu vas quand même pas me soutenir que Du Bellay, c’est comme youporn.
- Il y a quelques différences. Mais il y a aussi des différences entre un film pornographique de qualité et une vidéo youporn. Même si beaucoup se pincent le nez et ferment les yeux dès qu’on parle de pornographie – pour parfois agir autrement à la nuit tombée – c’est peut-être le cinéma le plus vu du monde : comment se fait-il qu’il soit quasi le seul qui n’ait jamais droit de cité dans Les cahiers du cinéma ou Sens critique ?
- Bon… Mais Je crie… je jouis !, c’est un bon film ?
- J’te dis que je l’ai pas vu.
- Mais pourquoi t’en parles alors ?
- Parce que…
- Parcequekoi ? C’est complètement nul comme argument.
- Parce qu’il y a la coupe du monde de foot et…
Je lui ai finalement dit que je trouvais le titre amusant, pas grossier, et qu’elle avait bien le temps avant de découvrir, éventuellement, l’œuvre de Claude Bernard-Aubert (que je ne connais absolument pas, mais qui compte des films X, Z, B, etc). Elle a conclu :
- Tout ça pour ça.
- Exactement. D’ailleurs c’est le titre d’un film non-pornographique de Claude Lelouch… L’affiche, je m’en souviens, c’est une cuisse de femme dessinée par le génial Tomi Ungerer.