En 1858 Bernadette Soubirous,petite paysanne pyrénéenne de 14 ans,assiste à plusieurs apparitions de la Sainte Vierge à la grotte de Massabielle près de Lourdes.L'affaire s'ébruite et va engendrer un ramdam pas possible entre des autorités laïques tentant par tous les moyens de discréditer la gamine,une hiérarchie ecclésiastique frileuse qui attend de voir comment ça va tourner et un vil peuple transporté d'espoir qui rapplique en masse sur le site,d'autant que les miracles s'empilent.Il s'agit là du seul film cinéma réalisé par Jean Sagols,un téléaste connu notamment pour ses sagas de l'été des années 90 genre "Terre indigo","Les yeux d'Hélène","Les grandes marées","Les coeurs brûlés","Orages d'été" ou "Le vent des moissons".Ce qui est amusant est que l'homme s'est fait connaître en 74 comme acteur dans la série télé "Un curé de choc",dans laquelle il incarnait un prêtre résolvant des énigmes policières.On peut donc dire qu'il a bouclé la boucle en réalisant cette énième vie de Bernadette.Le film est distribué par la SAJE,spécialisée dans le ciné catho,et il est curieux de constater que ce projet parait aujourd'hui plutôt gonflé.Des oeuvres à la gloire de miss Soubirous il y en a eu une tapée,les plus notables étant "Le chant de Bernadette" d'Henry King avec Jennifer Jones,sorti en 43,ou le diptyque de Jean Delannoy "Bernadette" et "La Passion de Bernadette",qui date de 88-89.Toutes ces épopées religieuses étaient en leur temps considérées comme des films ordinaires mais en notre période de cathophobie galopante il semble téméraire et insolent de traiter de tels sujets.Surtout que Sagols n'y va pas avec le dos de la cuiller et nous narre les évènements sans le moindre recul critique,comme s'il allait de soi que tout est vrai dans cette histoire.Rien que pour ce courageux postulat "Je m'appelle Bernadette" force le respect et l'estime.Pour le reste l'ADN télévisuel du réalisateur transpire de chaque plan et ça a le look d'un téléfilm fauché.Mise en scène statique,pâle gestion d'une peu nombreuse figuration,reconstitution figée et appliquée,effets spéciaux ridicules lors des apparitions mariales,photo plate et sans grain,on peut dire que l'emballage laisse à désirer.Heureusement le fond est plus convaincant grâce à une savoureuse description des rapports entre les personnages et de leur évolution.Il s'agit d'un véritable combat entre une jeune fille sereine aux convictions inébranlables et des adultes sceptiques et hargneux.Le redoutable duo formé du procureur Dutour et du commissaire Jacomet s'ingénie sans succès à faire revenir Bernadette sur ses déclarations,tandis que l'abbé Peyramale hésite sur la conduite à tenir et joue la montre,l'Eglise exigeant des preuves,ce qui est bien normal,avant de valider tous ces miracles.En face,au-delà de la foule en quête de prodiges,certains soutiennent Bernie,à l'image de ses parents,du docteur Dozous,un scientifique pourtant,ou d'un jeune journaliste parisien dépêché sur place.La suite on la connait,les apparitions mariales seront reconnues par l'Eglise,Bernadette deviendra une star mondialement connue avant d'entrer dans les Ordres,de mourir à 35 ans dans un couvent de Nevers puis d'être canonisée en 1933.Et Lourdes est devenue un lieu de pèlerinage bondé au point de s'être transformée en site industriel du commerce religieux.Que l'on y croit ou pas,la détermination tranquille de l'héroïne fait plaisir à voir et même si ce qu'elle voyait était simplement des sortes d'hallucinations hystériques,apporter dans un Monde matérialiste une part de spiritualité ne peut nuire.Il est saisissant de remarquer à quel point cette affaire ressemble aux apparitions de Fatima qui auront lieu en 1917 sous les yeux de la jeune Lucia dos Santos.D'ailleurs cette histoire sera aussi adaptée par Marco Pontecorvo,neuf ans après le film de Sagols,lequel a en plus été tourné au Portugal.La vedette est l'inconnue Katia Miran,comédienne lumineuse qui traduit à la perfection le caractère à la fois enjoué et inflexible de Bernadette.Autour d'elle se déploie un casting de has-been,mais des bons.Francis Perrin,le fielleux Jacomet,et Francis Huster,le cassant Dutour,sont au top.Alessandra Martines est très bien en mère de la sainte,tout comme Rufus en évêque compréhensif.Alain Doutey exprime talentueusement l'humanité de Dozous et Michel Aumont restitue génialement les doutes de Peyramale,puis son basculement en faveur de l'adolescente.Il y a également un très bon Arsène Mosca en abbé vite convaincu de la véracité des allégations de Bernadette,Eric Laugérias en journaliste plus que dubitatif et Ariane Carletti,l'ancienne présentatrice de "Récré A2" et "Le Club Dorothée",en religieuse.