Plus de dix ans après avoir réalisé son court-métrage Je me tue à le dire , Xavier Seron reprend ce titre pour le greffer à son premier long. Une suite? Non, pas de similitudes entre les deux histoires mais deux films qui s'inscrivent dans le prolongement de ce qui ressemble à une réflexion sur la mort.
Je me tue à le dire est donc un titre qui lui tient à cœur et qui traduit, sans trop en dire, l'incessante pensée du personnage principal. Divisé en plusieurs chapitres titrés par des jeux de mots à la fois cyniques et déroutants (sein, sain, saint - tu meurs, tumeur...), Je me tue à le dire parle de l'hypocondrie d'un homme, Michel Peneud, qui se répète sans cesse qu'il va mourir. Sa mère est atteinte d'un cancer, et il se découvre petit à petit les mêmes symptômes, d'abord par la perte de ses cheveux puis par une grosseur sur la poitrine. Michel n'est pourtant pas malade, mais se voit métamorphosé par l'idée obsessionnelle de sa mort et celle de sa mère.
Les premiers mots qui viennent à l'esprit à la sortie du film et qui se retrouvent sur toutes les lèvres sont sans aucun doute les mots « étrange », « surréaliste », « cynique ». Si pour Boris Vian l'humour est la politesse du désespoir, ce n'est pas Xavier Seron qui le contredira car le film est parsemé d'un humour noir jouissif et parfaitement assumé. La première scène donne le ton : « Quand on donne la vie, on donne la mort. »
Film on ne peut plus singulier tout comme ses personnages, Je me tue à le dire est composé de scènes incongrues faites de vomi et d'accouchement en gros plan qui donnent au film un côté cru et dérangeant ultra efficace. On est un peu écœurés et on en rigole en même temps, car le mélange des genres est bien dosé et nous réjouit encore plus qu'il nous surprend. Dans son premier long, Xavier Seron ne nous épargne jamais et repousse les codes pour nous offrir un film non-identifié véritablement original autant dans le fond que dans la forme.
On gardera donc en mémoire des images un peu poisseuses mais aussi une photographie qui s'inspire d'artistes tels que Anders Petersen ou Daido Moriyama. Ces influences sont en effet présentes, entre autres dans le choix osé du noir et blanc grainé mais aussi dans une envie évidente de montrer le réel et même de l'affronter à travers une vision fulgurante et tranchante. Il faut admettre que ce choix donne un réel contraste au film et le rend particulièrement graphique. Il permet aussi de transformer la banalité et la misère en quelque chose d'esthétique. Néanmoins, si certaines scènes sont très belles (celle où le héros fait de la relaxation par exemple), on peut regretter un petit manque de poésie par moment, voire une légère lourdeur.
Au-delà de l'image, c'est surtout cet humour noir, incroyablement cynique, délicieusement grinçant, qui nous fait adhérer à cette histoire surréaliste. Aidé par un acteur principal attachant et talentueux (Jean-Jacques Rausin), Xavier Seron signe un film drôle et décalé, à mettre devant les yeux de tous les amoureux du genre. Si les acteurs y sont pour beaucoup, il faut tout de même souligner la prouesse du réalisateur : arriver à nous faire rire tout en parlant d'un sujet aussi tragique que le cancer.