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Même sans son complice de toujours Benoît Delépine , Gustave Kervern poursuit avec ce téléfilm réalisé pour Arte dans cette délicieuse vague de comédie sociale, libertaire, décalée, punk et poétique qui a fait la renommée du duo. Je Ne Me Laisserai Plus Faire est une sorte de road trip sur la voie de la rédemption pour une septuagénaire en quête de paix intérieur

Le film nous raconte en effet la croisade d'une femme échappée de son EHPAD afin de se venger de celles et ceux qui l'auront emmerder et fait souffrir tout le long de sa vie. Elle sera rejointe dans sa vendetta contre les cons par une femme de ménage alors que deux flics enquêtent sur leurs délits.

Je suis très fan du cinéma de Kervern et Delèpine et c'est donc avec bonheur que j'ai pu constater que même en solo on retrouve ici les mêmes délicieux ingrédients qui font toute la saveur de leur cinéma. Je Ne Me Laisserai Plus Faire est une comédie sociale, mais pas de celles qui énoncent des grands discours et des morales toute faites avant même de chercher à divertir et/ou faire du cinéma. Gustave Kervern nous embarque ici pour une délicieuse croisade contre les cons, les salauds et les pollueurs de nos quotidiens, de celles et ceux qui par leurs actions (plus ou moins grave) nous emmerdent, nos blessent, nous irritent et finissent par cabosser les hommes et les femmes que nous devenons au fil du temps. Et qui de mieux que Yolande Moreau pour incarner cette femme qui vient régler ses comptes avec le passé, cette grande carcasse entre gouaille populaire, poésie lunaire et fragilité à fleur de peau représente à merveille cette quête malhabile et déterminée du pardon. Elle croisera donc sur sa route les petites gens médiocres de son passé qui tous auront profité à un instant T de leur réelle ou prétendue supériorité pour l'humilier ou la rabaisser. Ancien élève harceleur qui l'avait coincé dans les toilettes pour voir ses seins, petit patron autoritaire et suffisant qui l'avait licencié dès qu'elle était tombée enceinte, propriétaire indélicat qui refusait le moindre des travaux sont donc au menu non exhaustif des gens qui fort de leurs statuts manquent souvent cruellement d'humanité. Car peut être plus encore qu'un réalisateur social , Gustave Kervern est un humaniste qui semble ici nous rappeler que les opprimés, les brimés, les victimes refuseront peut être un jour à l'heure du bilan de toujours tendre l'autre joue. Agissant comme un catalyseur Rosalie (Yolande Moreau) va entraîner avec elle la prise de conscience de personnages secondaires à commencer par une femme de ménage interprétée par Laure Calamy qui voudra se venger d'un mari toxique et d'anciens agresseurs sexuels puis c'est l'un des deux flics qui enquête sur leur petite vendetta (Raphaël Quenard impeccable) qui prendra subitement conscience de son passé dans une séquence assez bouleversante durant laquelle le rire s'étrangle d'un coup en une émotion profonde. Comme dans un crescendo émotionnel qui s'accompagne d'une plongée vers les abysses de plus en plus sombre la noirceur humaine, Je Ne Me Laisserai Plus Faire démontre la nécessité de ne plus laisser passer les petites choses pour peut-être espérer que les plus horribles cessent un jour.

Si globalement le propos n'est pas toujours très joyeux, Je Ne Me Laisserai Plus Faire est aussi une comédie très réussie dans laquelle Gustave Kervern retrouve de nombreux acteurs et nombreuses actrices de ses précédents films tournés avec Benoît Delépine pour un casting vraiment très chouette. Dans la famille Deschiens on retrouve Philippe Duquesne, Olivier Broche et Olivier Saladin et dans celle du cinéma Kervern/Delèpine on croise Miss Ming et Corinne Masiero qui viennent faire de courtes apparitions amicales. Dans le reste du casting les deux flics très drôles sont interprétés par Raphaël Quenard et Anna Mouglalis (Quelle voix!!) et l'on notera en vrac les présence de Marie Gillain ou Frédéric Maramber mais surtout de Alisson Wheeler en directrice d'EHPAD vénale et arrogante et Johnathan Coen en beauf très con et limite gigolo sur les bords. Tout ce petit monde s'amuse visiblement beaucoup et nous aussi tant Gustave Kervern croque la bêtise et la médiocrité avec humour et même parfois une certaine tendresse. En tout cas moi ça m'amuse beaucoup quand Raphael Quenard déclare d'un ton autoritaire "On sait que c'est toi qui a dénoncé Jean Moulin" à un jeune en garde à vue qui ne sait même pas qui c'est, que Yolande Moreau s'exclame "Youhouhou j'adore la vitesse" quand elle passe la seconde sur sa voiture de location ou que Alisson Wheeler fait tout un dialogue sans finir ses phrases qu'elle laisse en suspension comme quand … Enfin vous … C'est comme si … On sait bien que … Vous savez bien que ...

Dans la même veine que Mammuth, Louise Michel ou I Feel Good , ce nouveau film de Gustave Kervern irrigue un très sain sentiment de joyeuse révolte contre la bêtise humaine à travers le parcours de personnages légèrement en marge. Ça ne changera sûrement pas laz face de ce triste monde, mais qu'est ce que ça fait du bien.