"Où sont nos amoureuses ?
Elles sont au tombeau.
Elles sont plus heureuses,
Dans un séjour plus beau !"


"Le hasard, c'est peut-être le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer."


D'amour, de mort et de hasard provoquant les rencontres entre personnages atypiques, il en est question dans "Je ne suis pas morte", film ayant acquis au fil des années une réputation de long-métrage inclassable, remettant en cause malicieusement les conventions cinématographiques.
Jean-Charles Fitoussi a édifié un film tout à la fois conscient de lui-même et donc de ses limites qu'ouvert sans cesse aux forces de l’aléa. Cet ancien étudiant en architecture, construit un monde cinématographique baptisé « château de hasard ». De ce château, chacun des films, fini, à peine commencé ou en chantier, est une « pièce » ou une « dépendance », pièces numérotées d’une sorte de plan d’ensemble qui vient après coup comme, dans l’approche de Fitoussi, une envie de filmer et même un tournage précèdent souvent les prémices d'un scénario ; pièces détachées d’un grand corps animé par l’idée et le hasard qui ont présidé à sa naissance. L’œuvre est le résultat d’une expérience en cours.


Je peux soutenir qu'avant de voir "Je ne suis pas morte", à quelques exceptions près, mes yeux sont rarement tombés sur un film aussi original (ladite originalité pouvant déconcerter le spectateur non averti) de par son "scénario" (le réalisateur nous précisant après la projection qu'il écrivait son scénario au jour le jour et laissait place à l'improvisation lorsqu'il la trouvait pertinente) me brinquebalant entre la découverte du sentiment amoureux par une certaine Alix ignorant tout à ce propos, oscillant entre la joie indescriptible de se savoir aimée par celui qu'elle désire et la crainte de ne pas pouvoir "assumer" les conséquences de l'attachement sentimental et ce qu'il s'en suit, en passant par la déception amoureuse vécue par un homme dont on ne sait presque rien, si ce n'est son obsession quasi maladive pour une femme qu'il a aimée mais qui a depuis refait (ou défait ?) sa vie, pour nous emmener jusqu'aux discussions souvent profondes entre un jeune garçon avec un touriste d'origine allemande venu se ressourcer en Italie qui parle aussi aisément de Nietzsche que de la beauté des paysages environnants.


Bien que je reconnaisse d'innombrables qualités à "Je ne suis pas morte" (outre son originalité, j'ai été conquise par ses aspects expérimentaux et certaines prouesses formelles), je n'ai pas adhéré complètement au film par moment. Ainsi je le trouve trop littéraire (on peut le rapprocher sur ce point d'ailleurs d'un Rohmer dans tout ce qu'il peut avoir de plus caricatural), le jeu des acteurs, qui sont pour la plupart non-professionnels (et ça se voit), m'a légèrement fait crisser des dents de temps à autre puis la troisième partie qui clôt le film m'a parue bien en-deca des deux premières (mais comment égaler la première heure si prenante et déconcertante en même temps ?).


Le très long regard-caméra annonçant la fin des aventures des protagonistes, m'a d'abord dérouté, interrogé sur son utilité et sa fonction dans le film puis a subtilement distillé sa petite musique dérangeante pour venir me hanter des semaines encore après l'avoir vu les yeux écarquillés.


Si jamais vous avez la possibilité de découvrir cet objet filmique non identifié, souvent passionnant, alors n'hésitez plus vous pouvez le regarder les yeux fermés (enfin tenez à rester éveillés tout de même ...)

venusinfinitesimale
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le 28 déc. 2021

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