Pas grand fan de la comédie romantique ou de l’habituel traitement des communautarismes français, j’avoue m’être laissé séduire par le premier long-métrage du scénariste Baya Kasmi. Je Suis à Vous Tout de Suite n’a pas l’affiche alléchante au premier coup d’œil : de bons comédiens et deux inconnus, un pitch de drame familial à la française au cœur de la cité. Pourtant



le film surprend, séduit et emporte



le spectateur ailleurs, dans des aspects inenvisagés, et livre à travers l’évolution de son personnage principal, une tendre romance moderne au bout d’une quête de bonheur intime qui dépasse les errances autant que les erreurs passées.


Rencontre hors de l’ordinaire pour Hanna, jeune trentenaire possédée par une névrose de la gentillesse, tare familiale héritée de ses deux parents, les séquences d’introduction oscillent déjà



entre drame, comédie et peinture sociale :



flashback d’enfance heureuse dans la banlieue parisienne, cités hlm, au cœur d’une famille hors norme de par ses origines mixtes autant que de par son caractère aimable et naïf.
Par-dessous le vernis un drame se noue alors,


visites chez le médecin.


Le montage mêle habilement les époques pour raconter les dissensions familiales en préservant une part de suspense dramatique. Donnadieu, le jeune frère de l’héroïne, se réfugie dans la religion autant par nécessité sociale que pour enfouir les non-dits de l’enfance étouffée, abandonne son prénom pour devenir Hakim tandis qu’Hannah, reniée pour son apparente superficialité, femme libérée et délurée, le vit très mal. La mise en scène prolonge intelligemment les allers-retours temporels pour lever le voile sans précipitation,



avec pudeur et légèreté,



sur le trauma sordide des silences ordinaires de l’enfance atteinte.
Construit les vies d’Hanna et d’Hakim comme une suite d’erreurs et de petites rédemptions.


Il est indispensable de souligner les qualités du casting qui font beaucoup à la réussite du film. Vimala Pons, en plus d’être sensuelle et sexy, habite profondément le désespoir ignoré d’Hanna jusque dans ses murmures, souffles sociaux pesés et pesants, caractéristiques de son errance soumise, acceptée. Un cocktail luminescent d’assurance positive, sourire de gentillesse à tomber, et de fragilité intérieure lourde, la jeune comédienne assume avec brio, entière. Le frère est interprété, parfois dans une caricature que j’imagine exigée par la mise en scène, par le très bon Medhi Djaadi, caractère franc et sec, solide. Autour d’eux, Ramzy Bedia et Agnès Jaoui font le job avec professionnalisme, plaisir et humilité bienveillante, tandis qu’Anémone nous amuse autant qu’elle en grand-mère joueuse et fauchée. Mais les plus beaux moments de cinéma,



les séquences d’étincelles sombres, de joies lumineuses et de larmes aux yeux,



sont portés par les filles qui interprètent Hanna à trois et dix ans : Mélinée Leclerc et Sixtine Dutheil.


La photographie reste malheureusement trop classique, l’utilisation de la caméra également, pour prétendre faire œuvre de cinéma. Il y a de très beaux moments, une photographie lumineuse et chaude, surexpositions graphiques et sensuelles, de magnifiques plans de comédies quelque fois, mais le cinéphile exigeant reste affamé d’envolées.


Avec un semblant de drame familial en légèretés radieuses, aux couches sociales bien ancrées, où se cache une comédie romantique originale autant qu’inattendue, sympathique autant que dépaysante, Baya Kasmi signe un premier film très réussi et rafraichissant dans l’univers du cinéma français. Là où les communautarismes sont caricaturés, exacerbés pour servir le propos et mettre en lumière le jeu de division sociale à l’œuvre en notre pays, le jeune réalisateur choisit de jouer l’enrichissement personnel et culturel en peignant



les beautés sublimes, légères et évanescentes, qui font le détail de nos quotidiens.



Je Suis à Vous Tout de Suite ne peut emballer sur son seul propos ni sur sa seule forme narrative, mais l’équilibre est là, qui titille le cerveau autant que le cœur, et laisse le spectateur aussi radieux qu’est le moment.

Créée

le 23 févr. 2017

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