En 1992, Rémi Belvaux créait l’évènement avec le devenu cultissime « C’est arrivé près de chez vous ». Evènement car ce petit film d’étude allait devenir au fil des générations une œuvre incontournable. Plus marquant encore parce qu’il a ouvert une brèche dans la manière de concevoir et, disons le, de s’exporter du cinéma belge quelque peu statique et coincé, sauf à de rares exceptions, entre documentaires de bonne renommée et films intimistes (Delvaux, Akerman, Andrien). Sans cause à effet directe, c’est pourtant une nouvelle génération de cinéastes qui voit le jour au début des années 90 et à qui l’on va faire confiance. Le cinéma belge alors se décomplexe et affiche une belle vitalité se partageant entre les drames sociaux des frères Dardenne, les comédies douces amères de Van Dormael ou Belvaux (frère de Rémi) ou une production plus décalée, digne héritière de « C’est arrivé près de chez vous », où de jeunes réalisateurs se lâchent pour livrer des œuvres originales et passablement hors norme, comme c’est le cas de « Dikkenek » ou « La merditude des choses ».
« Je suis mort mais j’ai des amis », est un peu le condensé de ce cinéma multi faces. On y retrouve tous les ingrédients, un peu dérangé (personnages picaresque, situations aberrantes…), un peu sérieux (valeur de l’amitié, sens de l’existence…) et très sentimental, où l’amour, quelque soit sa forme, explose entre rires grinçants et larmes en bandoulière. Les deux jeunes réalisateurs signent un film plein d’empathie pour leurs héros, véritables transfuges d’une tradition flamande (au sens large du terme, loin du clivage des langues) où la chaleur humaine et la pureté des sentiments primaires alimentent amitié et bon vivre. On se sent bien avec cette bande de quinquagénaires rockers à la musique qui lorgne sur le courant punk garage. On s’y amuse beaucoup et l’on se prend à vivre à leurs côtés aussi intensément les tensions, les moments de grâce et les éclats de vie. Nous sommes très loin ici d’une vision cinématographique très dame patronnesse d’un Bruno Dumont. Le film, à l’image de ses personnages est à l’état brut, remuant, perturbant et formidable de fait !
Peut-être n’aurait-il pas tenu aussi bien la road si le choix des acteurs avait était autre. Bouli Lanners est imposant et magistral, Wim Willaert délirant et au summum de son art, Lyes Salmen, Serge Riaboukine et Eddy Leduc, entre autre, complètent un casting bigarré et plein de saveurs.
A l’image de Marie Soleil, la radieuse canadienne, le film nous illumine de tendresse et nous couvre le cœur de sa chaleur.