Exemple typique d’un film qui n’aurait pu être tourné qu’en France, malgré son étrange visuel sans repères (malgré le français, plusieurs inscriptions sont en anglais). Aucun scénario, tout est directement appelé à n’être qu’une illustration, une variation de son sujet. Aussi, le film ne parle pas vraiment d’homosexualité (bien qu’il envisage la sexualité essentiellement sous cet angle), mais plutôt de la déliquescence naturelle de la structure du couple ou d’une relation durable. L’amour n’existe pas, il n’existera jamais, ce film en est la négation absolue, le porte-étendard des partouzeurs et du free-sex. Il nie même l’importance des sentiments, et affiche un égoïsme constant dans la relation, une cruauté et une large prédominance des pulsions sur le partage. C’est exactement ce qu’on pouvait attendre de Serges Gainsbourg, lui qui a souvent (et parfois avec virtuosité) parlé des maux d’amour. Partant de là, chaque personnage servira à illustrer une idée, sera l’incarnation de telle ou telle pulsion. La forme que prend Je t’aime moi non plus est l’aboutissement du style film d’auteur français, qui mise tout sur sa mise en scène en ayant rien à branler de son scénario, d’ailleurs, est-il seulement important d’en avoir un ? C’est illustrer l’idée qui compte, car le cinéma, c’est l’image et le son. Aussi, on constatera que les cadrages sont immondes, que le montage est approximatif, que la prise de son est dégueulasse. Mais que la bande originale est merveilleuse (souvent sur le décalage, sa petite mélodie romantique accompagnant les pulsions de chacun), et que la mise en scène est d’une maîtrise assez incroyable, en tout cas d’un aboutissement qui justifie à lui seul le visionnage du film. Petite cerise sur le gâteau, la présence de Depardieu dans les seconds rôles, ce dernier jouant un homo toujours accompagné de son cheval, cantonné dans son ambigüité sans jamais tenter un pas vers l’autre. On retrouve aussi Michel Blanc dans la carrure d’une petite tante que tout le monde écrase perpétuellement, et Jane Birkin dans le rôle de Johnny. L’homme pivot, c’est donc Krassky, qui séduit Johnny au nez et à la barbe de son ancien amant. On note donc la satisfaction de cette dernière, les brimades homophobes qu’elle lui fait subir quand ses goûts remontent lors des ébats, l’anéantissement de Padovan. Tout est clairement explicite, et tout énumérer serait long et inutile. Le film met essentiellement en exergue la futilité de continuer à croire en l’amour, de quelque espèce, ce qu’il englobe n’étant finalement qu’envie ponctuelle, pulsion et intérêt personnel. Absolument tout ce que j’ai tendance à détester, mais l’efficace fluidité de la mise en scène crée finalement un tout cohérent, et parfaitement fonctionnel. Les envies du moment, les petites baises à la va-vite, les séquences ensembles qu'on meuble comme on peut... A la base, ce qui comptait était surtout de choquer le bourgeois. Formellement dans l’insertion en milieu gay où les repères sont brouillés, et dans le fond, avec cette négation ultime de toute forme de profondeur ou de transcendance via l’amour. Cette quête est une impasse, alors autant profiter des opportunités qui passent à portée, tant qu’elles restent dociles et conformes aux règles de vie qu’on s’est établis. Mieux vaut brandir et assumer son égoïsme que tenter de croire en une idée qui n’a, de toute façon, jamais existé concrètement.
Voracinéphile
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le 16 juil. 2014

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Voracinéphile

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