Il n'est jamais trop tard pour faire du cinéma. Alfredo Casto débute en 2006 à 50 ans, dans les films de Pablo Larraín dont Tony Manero et Santiago 73 qui placent déjà leurs histoires sous fond de dictature du gouvernement Pinochet, mais on se souvient aussi de sa participation dans le film El Club du même réalisateur avec lequel il tourne 6 films de 2006 à 2016. Après Aurora il retrouve cette fois-ci Rodrigo Sepulvèda, dans un rôle plutôt difficile pour ce qu'il doit amener de finesse sans tomber dans l'excès de ces portraits féminisés parfois à l'extrême, même si quelques scènes trop exubérantes s'exemptent de la sobriété de l'ensemble par l'excentricité même de son personnage.
Adapté du livre du chilien Pedro Lemebel artiste Queer adepte lui-même de la provocation à ses dénonciations sociales, le récit s'il reprend ses thèmes de marginalité et d'homosexualité, se concentre sur la difficulté de vivre de son héros en quête de l'ultime histoire d'amour, qui, sauvé de la rafle par Carlos (le parfait et flottant Leonardo Ortizgris) deviendra le protecteur d'un attentat qui se fomente dans l'ombre. Exit alors ce qui semble faire le sel du livre entre considérations sexuelles débridées et monologue intérieur d'Augusto Pinochet, qui aurait pu en image nous rappeler à l'excellence des romans chiliens et à un certain surréalisme pour cette rencontre improbable et fantasmatique de ceux qui s'exonèrent de la violence dans les chants et danses, servis par la musique de Pedro Aznar, aux airs mélancoliques des mandolines.
Le rapport au politique ne sera lui, qu'en filigrane, lors d'une rafle délétère en introduction, d'une manifestation théâtrale de ceux qui n'ont pas droit à la parole, pour une prise de conscience de celui qui préférait fermer les yeux à la misère du monde.
Leur amitié naissante comme rempart à leurs deux solitudes, Je tremble ô Matador, reste alors à la lisière d'une romance avortée, teintée d'humour, de monologues revanchards, de beuveries défouloir et de la séduction exacerbée pour ce bel étudiant communiste, qui ne serait pas insensible aux hommes.
Malgré cette ambiance vaporeuse, ses teintes sourdes et dépressives, contrebalancées par les moments de bonheur de sorties bucoliques et de virées en bord de mer, le récit ne décollera jamais vraiment pour un final certes attendu mais qui révèle à lui seul, toute la condition d'un homme en limite d'âge.