L’origine de Je tremble, ô Matador, de Rodrigo Sepulveda, se trouve dans l’unique roman éponyme de l’écrivain et artiste LGBT chilien Pedro Lemebel, dont le titre fait référence à une célèbre chanson d’amour. Avant tout, le scénario tiré du livre a pour ambition de trouver un équilibre entre deux aspects qui ne se marient pas nécessairement bien ensemble, l’un sentimental, l’autre purement politique, eu égard au contexte de l’époque décrite, le Chili de Pinochet dans les années 80 et l’engagement de l’un des deux protagonistes principaux dans la lutte armée. Pour autant, la violence est souvent hors champ dans Je tremble, ô Matador, sans cesser cependant de créer une tension palpable, laquelle contribue sans doute au rapprochement affectif de deux hommes qui n’ont a priori rien en commun, mis à part la haine de l’injustice et de l’intolérance. Cette romance dans l’ombre, improbable, le réalisateur la rend crédible par sa mise en scène sensuelle et par l’usage d’un humour très caustique, du côté du travesti La Loca, qui est la manifestation ironique d’un personnage en marge et vieillissant qui choisit élégamment la dérision comme rempart au désespoir. Dans le rôle de Carlos, l’interprétation poignante du très grand Alfredo Castro touche au sublime. Son jeu, tout en nuances, évite la caricature de l’homo exubérant et excentrique, façon La cage aux folles, en incarnant un homme blessé et amoureux, dont l’humanité et la dignité ressortent et éclaboussent l’entièreté du film.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Au fil(m) de 2022

Créée

le 2 mai 2022

Critique lue 248 fois

4 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 248 fois

4

D'autres avis sur Je tremble, ô Matador

Je tremble, ô Matador
limma
6

Critique de Je tremble, ô Matador par limma

Il n'est jamais trop tard pour faire du cinéma. Alfredo Casto débute en 2006 à 50 ans, dans les films de Pablo Larraín dont Tony Manero et Santiago 73 qui placent déjà leurs histoires sous fond de...

le 6 févr. 2023

4 j'aime

3

Je tremble, ô Matador
Cinephile-doux
7

Le travesti et l'activiste

L’origine de Je tremble, ô Matador, de Rodrigo Sepulveda, se trouve dans l’unique roman éponyme de l’écrivain et artiste LGBT chilien Pedro Lemebel, dont le titre fait référence à une célèbre chanson...

le 2 mai 2022

4 j'aime

Je tremble, ô Matador
al4_cine
9

Critique de Je tremble, ô Matador par al4_cine

Des personnages d'une tendresse rare, et des réflexions touchantes à propos de l'évolution de leur vision du monde, dans un contexte politique tendu (Chili au moment des attentats contre Pinochet)...

le 4 juil. 2022

1 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13