Comment aborder ce film ? ou plutôt par quoi commencer pour démontrer toutes les aberrations qu'il contient ? En 2h40, Jeanne d'Arc voit sa mère se faire violer et son village se faire laminer par les Anglais, puis elle entend des voix, gambade dans les coquelicots, trouve une épée dans un champ, re-entend des voix, se rue à la cour du roi à Chinon, libère la France en boutant l'Anglais, et échoue dans un cachot insalubre où elle entend sa conscience cette fois. Enfin, elle est brûlée. Plus tard, on lui fera des statues.
Le film démarre donc très mal car monsieur Besson ne connait rien à l'Histoire de France et à la guerre de Cent Ans, je suis sûr qu'il n'a rien lu de sérieux pour préparer son film et s'est contenté de faire appel à ses souvenirs scolaires, ceux qu'on a tous issus de l'école primaire lorsqu'on était gosse. Franchement, j'ai lu pas mal de bouquins sur Jeanne d'Arc, j'ai visité sa maison familiale à Domrémy, et vu un paquet de films sur elle, et jamais je n'ai entendu parler que le village ait été malmené par les Anglais avec en plus des séquences nécrophiles, tout simplement parce que la région aujourd'hui située dans le département des Vosges, proche de Vaucouleurs, elle située dans le département de la Meuse, n'était pas dans un territoire anglais et tenu par eux ; le seul moment où Jeanne aurait pu craindre l'Anglais, c'est quand elle a rallié Chinon depuis Vaucouleurs, car là elle traversait l'ancienne Bourgogne, l'alliée des Anglais.
Bon ce premier point est éclairci, mais je ne vais pas passer en revue toutes les erreurs historiques de Besson, ça serait trop fastidieux, je constate simplement qu'il se fout de tout ça et qu'il suit son idée qui est d'insuffler une énergie à son film, avec sa poule du moment, Milla Jovovich, coupe au bol, frêle, androgyne et aussi inspirée qu'un troupeau de gorets, même ses propres statues ont plus d'expression. Pauvre Jeanne, vraiment je le pense, et pourtant je ne suis pas croyant. Besson fait de Jeanne une illuminée, une fanatique, une hystérique, mais pas une sainte ; je sais même pas s'il est conscient qu'il s'attaque à une figure iconique de l'Histoire de France et de l'Eglise catholique.
La première partie la montre bataillant l'épée et la bannière fleurdelisée à la main, elle évolue au milieu des capitaines qui me font penser à une bande de branleurs des cités qui jactent dans un horrible sabir moderne (Cassel surtout, mais aussi Pascal Greggory ou Tchéky Karyo), j'ai l'impression d'entendre les petits merdeux que je vois en bas de chez moi, bref encore un truc à la Besson qui ne me plait pas, ça fait actuel, faut se démarquer des versions précédentes, faut faire "djeun", allez-y les mecs !
La seconde partie est aussi insupportable lorsque Jeanne est jugée dans son procès truqué et quand elle entend sa fameuse conscience par le truchement d'un Dustin Hoffman qui doit se demander ce qu'il fout ici. Ceci m'amène à parler du casting : entièrement tourné en anglais, pour l'exportation, le film souffre d'un casting étrange et disproportionné avec un John Malkovich en Dauphin de France, Faye Dunaway dans un improbable look qui l'enlaidit, Vincent Cassel, Karyo et Greggory en capitaines de guerre, et surtout Dustin Hoffman en confesseur fantôme exaspérant... aucun n'a une quelconque profondeur, ils jouent leurs rôles sans conviction et ressemblent à des silhouettes animées. A cela s'ajoutent des décors très cheap, des bouts de palissades ou de vieux remparts en carton pâte pour figurer les fortifications pendant le siège d'Orléans, ainsi que des plans ridicules montrant des cavaliers dont on devine qu'ils sont montés sur des chariots dans des champs de blés, c'est proprement lamentable.
Au final, ce film malgré quelques rares séquences violentes et spectaculaires, reste très imparfait, foireux et bancal, il lui manque la fougue, l'âme et le côté épique et passionné qu'une telle fresque historique aurait dû posséder.