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Jeremiah Johnson est avant tout l’exploration d’un mythe et de ses fondations. Du soldat déserteur qui souhaite fuir la folie humaine en s’enfonçant dans l’ouest sauvage, on ne sait rien si ce n’est qu’il possède un fusil de qualité. Le personnage campé par Robert Redford (charismatique à souhait) fait alors face à une nature filmée dans toute sa splendeur, où son mutisme reposant n’est interrompu que par des rencontres cocasses avec des marginaux eux-aussi exilés du monde civilisé, des inadaptés à une société mortifère, qui préfèrent tenter leur chance face aux étendues sauvages.
On aurait initialement tendance à croire que le film se pose comme un western pacifique, mais on se rend rapidement compte que la violence, si elle est inhérente à l’homme, ne lui est pas exclusive. La sagesse vers laquelle tendent ces ermites n'exclut pas cette violence, qui doit être appliquée lorsque nécessaire si l’on veut survivre, faisant partie de l’équilibre naturel des choses. Et alors que Johnson se constitue une famille contre son gré, et que le spectateur se serait bien posé au bord de la rivière avec elle, l’inévitable survient, et rebat les cartes de la philosophie du héros. On ne peut échapper aux règles immémoriales qui régissent la vie, dussent-elles être tragiques.
A la rage succède la résignation, et l’acceptation du monde tel qu’il est, loin des lois factices de l'Église, des guerres interchangeables et de la profanation du sacré, mais jamais à l’abri de la mort. La légende se crée alors, favorisée par les grands espaces qui déforment la réalité pour amplifier le mythe. Et si le Jeremiah Johnson présenté dans l’oeuvre de Sydney Pollack est loin des actes attribués au personnage réel (surnommé Liver-Eating Johnson et supposé avoir tué, scalpé, et partiellement consommé plus de trois cent indiens), ce n’est que dans la perpétuation de la construction d’une icône, sujet même du film.