Jet Lag par Enzo

[Publiée le 22 Février 2023 sur Un Certain Cinéma]

Il est évident que l’année 2020 marque un bouleversement à l’échelle mondiale, mais, au-delà des vaines considérations de la question internationale, il est tout aussi nécessaire d’ouvrir le regard sur les conséquences qui tend à diriger les regards vers l’intimité la plus absolue ; se déshabiller n’est plus une simple action de l’ordre du physique, mais dépasse la dimension corporelle et touche soudain les sentiments, les peurs, les envies, les souvenirs et les douleurs qui ne sont pas plus physique d’ailleurs.

Avec Jet Lag, Xinyuan Zheng Lu mélange l’espace et le temps dans un voyage interne où le confinement soudain ne peut être apaisé que par l’évasion encore autorisée, celle du souvenir. Le mariage et la mort font sujet avec la relation conjugale et la grande Histoire. La cinéaste chinoise, depuis l’Autriche en passant par la Birmanie, convoque les événements du passé et constate ceux à venir. Elle interroge, documente les situations politiques, immerge dans un contexte de révolution, le tout en confondant les drames familiaux puis les joies, parfois.

L’image est quant à elle aussi bien une extension de l’œil de la cinéaste mais aussi de ses sentiments, créant alors une expérience hypnotique, envoûtante, voire même sensationnelle. Les idées sont omniprésentes et émergent des cas et situations filmés. La caméra se retourne, le négatif est conservé à l’écran, le grand ! Écrans, plus petits, qui d’ailleurs guident le film, tantôt le téléphone personnelle, et les messages, par d’autres moments l’ordinateur, et l’appel vidéo qui réunit à l’image deux points perdus dans un monde qui perd sens.

En effet, la question de l’image comme représentation de ce monde est très importante également, où il est possible de noter le choix d’un noir et blanc extrêmement granuleux, dont l’effet est remarquable aussi bien dans l’étrangeté qui ressort de cette planète Terre que dans la sensation globale du film tel un voyage personnel, une danse de va-et-vient entre le grand, l’Histoire, et le petit, la cinéaste.

En mentionnant Jet Lag, il est évoqué alors une expérimentation visuelle, un documentaire de l’intimité et la vision interne, mais surtout, un ensemble qui trouve son inspiration dans l’actuel, allant de l’angoisse au sourire, de la solitude à la compagnie, de la rivalité à l’unité.