Dès sa scène d'introduction, Terayama ne laisse planer aucun doute. Jetons les livres, sortons dans la rue sera une oeuvre aussi radicale que son titre.

Décrivant les péripéties d'une famille vivant dans un dénuement économique et moral assez fort, ce film n'est pas à conseiller aux personnes vite malaisées tant certaines scènes immorales et glauques sont difficiles à regarder. Elles participent pourtant à un état des lieux qui semble sans appel : violences, misogynie, abus de faiblesses et mensonges se succèdent à l'écran comme des constituantes inamovibles d'un Japon au sein duquel le protagoniste n'arrive à trouver aucune prise l'aidant à construire sa vie. Il n'y a là rien de surprenant, ce film est du Terayama pur jus : aussi malsain que beau et créatif.

Car si le fond est radical, la forme ne l'est pas moins : l'histoire avance au sein d'une succession de monochromes caractéristiques du travail du réalisateur, rythmés de délicieux morceaux de musique psychédélique visiblement écrits spécialement pour l'occasion créant un ensemble aussi unique que parfois purement indigeste.

Au rythme de ces allégories et expérimentations visuelles, Terayama dessine à travers le portrait de cette famille dysfonctionnelle l'image d'un pays à la dérive. Au sein de ce récit, le personnage principal y représente une jeunesse larguée, qui vrombit de ne pouvoir s'accomplir. C'est un Japon en pleine décadence qui nous est présenté, semblable à l'Allemagne contée par Fassbinder, n'arrivant pas à trouver sa place dans la mondialisation décidée par les ennemis d'autrefois et laissant une partie de sa population sur le côté pour en masquer le mal être inhérent.

Terminant par un cassage de quatrième mur aussi intellectuel qu'émouvant, Jetons les livres, sortons dans la rue est une claque : une claque par définition n'est pas très agréable, alors on peut ne pas aimer, on peut le traiter de fou, il est toutefois plus difficile d'affirmer que Terayama n'est pas un grand réalisateur, car il en faut du génie pour filmer de manière aussi artistique des choses aussi infâmes.

arthurdegz
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le 7 juin 2023

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