Andy a une poupée qui parle. Il l’a eu pour son anniversaire et c’est “son amie pour la vie”. Une poupée qui fait plein de trucs dans son dos, animée par des sentiments parfois peu moraux, comme le désir d'écraser ses collègues de coffre à jouet pour rester le numéros 1 aux yeux d’Andy. Mais au final la poupée d’Andy, un cowboy qui s’appelle Woody, garde un bon fond gorgé de bons sentiments et prône l’amitié et l’entente cordiale. Et on s’en branle pas mal d’ailleurs parce que c’est pas cet Andy là, ni même cette poupée là qui nous intéresse ici, on va donc la refaire.
Andy a une poupée qui parle. Il l’a eu pour son anniversaire et elle lui a promis d’être “son amie pour la vie”. Elle ne s’appelle pas Woody mais Chucky et son truc c’est moins le revolver en plastique ou les blip-blip de faux rayons lasers lumineux qu’un bon couteau de cuisine, une défenestration ou un “Pauvre connasse, sale pute, roulure, je vais t’apprendre à me faire chier !” savamment placé.
Chucky, le “brave gars”, tout le monde le connaît, on sait tous plus ou moins de quoi ça parle, une poupée habitée par l’esprit d’un criminel sanguinaire qui s’affaire à ses petites traques journalières, c’est chose admise de tous. Mais j’ai été vraiment surpris de redécouvrir ce film, à tel point que j’me suis demandé si je l’avais vraiment déjà vu un jour. Faut dire que le métrage est l’apanage des VHS des 80’s qu’on s’enfilait après avoir fait son marché au vidéo club le vendredi soir, des séances de bombance filmiques tellement ventrues qu’elles auraient mérité un écriteau “Un bon film splashy peut en cacher un autre”. La révision s’imposait.
Chucky c’est donc le slasher type des 80’s, blindé de petites références parfaitement réemployées, parsemé d’éclairs flashy, de néons et d’enseignes lumineuses dans l’obscurité, de magasins de jouets avec des figurines de dinosaures, de ruines grisâtres traversées de silhouettes vagabondes au teint boueux, de rues sinueuses et suintantes agitées des reflets crasseux d’une éternelle humidité et éclaboussées des gyrophares bleu-rouge et des sirènes nocturnes des voitures de police résonnant dans un lointain incertain. C’est l’Amérique cinématographique décrite par Benedict dans Last Action Hero en somme. C'est aussi l'époque où on enfermait un gamin suspecté de déviance mentale dans un cagibi en bois avec des barreaux de métal. Et c'est surtout cet art du film horrifique à mi-chemin entre un sérieux assuré et une comédie tout à fait efficace, une sorte d’entre deux aujourd’hui improbable qui savait construire quelque chose sans tomber ni dans le sérieux boursouflé, ni dans la pure auto-parodie lourdingue incapable d’assumer son point de départ. Et réussir ça quand tu parles d’une poupée vengeresse jouant du marteau comme Oh Dae-su, même dans les années 80, il faut un certain talent pour le faire.
Vous sous-notez ce film, expliquez moi ça tout de suite. C’est pourtant une mise en scène tout à fait à la hauteur de ses contemporains du genre, une utilisation de la vue subjective parfaite rythmée de bruits de pas rapides des plus efficaces, une gestion des arrières-plans et des détails faisant honneur au genre et une débauche de punchlines décomplexées et hilarantes qui devraient hisser sans peine ce Jeu d’enfant au rang des plus grands classiques du slasher qui tâche. Et y a pas que ça attends, la musique, on en parle un peu ? Rien qui ne marque profondément, c’est pas le thème de Halloween on est d’accord, mais ces ambiances indistinctes où rire danse avec délire sont accompagnées d’une bande son tellement appropriée. Et cette face de plastique ? Se déformant sous la rage ou les coups, qui se disloque dans les flammes et revient à la charge, increvable, la réplique facile et les yeux éternellement livides. Chucky au final c’est une ombre entre deux murs obscurs, c’est la lame d’un couteau furtivement entre-aperçue dans le cadre d’une porte, c’est une silhouette galopante dans un arrière-plan et c’est un “Salut connard !” balancé ici ou là. Le reste, c’est une mise en scène d’une incroyable efficacité.