On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.
A ses 17 ans, une jeune fille des beaux quartiers décide de se prostituer auprès de riches monsieurs. Là où se trouve le talent de François Ozon, c'est qu'on n'en saura guèere plus à la fin, car cette fille, Isabelle, est très opaque dans ses intentions ; est-ce à la suite de sa première fois, totalement foirée ? Est-ce par jeu ? En tout cas, ce n'est pas forcément pour l'argent, car si elle en gagne un paquet, elle le met toujours de côté, mais sans savoir pourquoi, car elle ne vit pas dans le besoin.
Les parents sont aussi importants, avec les beaux rôles donnés à Géraldine Pailhas et à Frédéric Pierrot (qui joue le beau-père). Ce dernier devient un second rôle comme je les aime : pas imposant, voire attachant devant sa faiblesse affichée d'homme (surtout dans une certaine scène), et il détient quelque part le rôle comique du film, sans que cela soit casse-gueule ; par exemple, il surprendra sa belle-fille et son beau-fils dans des situations...embarrassantes !
Ne pas oublier le petit frère, qui épie à la fois sa soeur bronzer seins nus et se masturber avec un coussin, ce qui va provoquer chez des questions liés à la sexualité. C'est un personnage assez intéressant, car il est celui qui connait tout de l'histoire, mais sans avoir l'air d'y toucher.
Pour finir, comment ne pas parler de Marine Vacth, qui est ce qu'on appelle une révélation majuscule. Pas à cause du fait qu'on la voit fréquemment nue (je lui donnerais bien à manger pour qu'elle se remplume un peu), mais d'assumer un rôle difficile, celui de s'exhiber physiquement et de garder une grande opacité qui la rend attachante. Elle renvoie à des personnages déjà vus chez Ozon, comme Ludivine Sagnier (Swimming Pool), Charlotte Rampling, voire Romola Garai (Angel), dans le sens où si ses motivations ne paraissent pas clairs, elle a en elle une certaine volonté, voire une arrogance vis-à-vis de sa famille une fois sa deuxième révélée aux yeux de tous à la suite d'un funeste évènement qui va faire basculer le film dans une voir plus dramatique.
A ce sujet, comme souvent chez Ozon, la fin reste d'un grand mystère ; sans vouloir la dévoiler, elle fait non seulement intervenir une habituée du réalisateur, mais ferait basculer l'histoire dans ce qu'on a vu dans ... Belle de jour ! C'est une hypothèse que j'émets, car la fin reste ouverte.
Encore une fois, c'est filmé avec une grande justesse (merci au 35 mm), sans jamais donner l'impression de voir quelque chose de graveleux. Le film tourne autour de la prostitution estudantine, les scènes de sexe sont fréquentes, mais jamais le réalisateur ne les filme crûment. Il se place du côté de la jeune femme, qui semble au départ révulsée par sa tâche, mais qui va prendre de plus en plus de plaisir, notamment avec l'un d'entre eux.
Pour figurer l'avancée psychologique du personnage, le film est découpée en quatre saisons (parties), qui démarrent toutes avec une chanson de Françoise Hardy en parfait accord avec la situation vécue juste avant.
Il y a aussi une scène étrange dans le film où des étudiants (y compris Isabelle) récitent un poème de Rimbaud, mais on se rend compte que c'est elle qui est indirectement visée à vivre comme un patachon, et qui se conclut par "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans".
Pour le reste, je vous invite à voir le film, car aussi particulier soit-il (c'est assez cru, mais pas pornographique), c'est la preuve qu'en se donnant les moyens, le cinéma français peut être ambitieux, et révéler encore une fois une graine de talent.
Tout comme Steven Soderbergh, François Ozon a décidément un talent caméléon de passer d'un sujet à un autre en s'y glissant comme un poisson dans l'eau.