Bon, je suis allé voir ce film en ne sachant qu'une chose : qu'il parle d'une troupe de théâtre sous l'occupation nazie. Ayant fait le rapprochement avec Le Dernier Métro, je m'étais préparé à voir des acteurs jouer des personnages qui jouent un rôle pour préserver leur véritable identité. Mais quand j'ai vu les premières minutes du film, je me suis demandé s'il allait passer à côté de son sujet et se contenter d'être une comédie toute simple. Heureusement, les premières blagues n'étaient que des amuse-bouches et l'ensemble prend rapidement son envol.
Ce qui se situait avant le retour en Pologne servait principalement à poser les personnages et entamer les premières intrigues, pour mieux en jouer par la suite. Ernst Lubitsch s'amuse en effet à construire et déconstruire les situations de façon si ingénieuse qu'il est difficile d'en parler. Il joue de manière notable sur ce que les personnages ne savent pas (quand une homme se fait passer pour quelqu'un d'autre par exemple), mais aussi sur ce qu'ils savent (quand la personne en face devine qu'elle est en présence d'un imposteur), ce qui surprend plus d'une fois le spectateur.
To Be or not to Be est également connu pour sa maîtrise du sous-texte. Le réalisateur savait que son film allait se heurter au code Hays et fait donc passer énormément de choses par les sous-entendus, notamment une sous-intrigue sur un adultère qui aurait fait scandale à l'époque. Les personnages passent donc souvent de l'explicite à l'implicite, générant de nombreux quiproquo. Ces derniers apportent une nouvelle dimension comique, et créent eux aussi de nouveaux malentendus. Cette réaction en chaîne, qui revient quasiment à chaque dialogue, fait enfler la situation de départ jusqu'aux limites de l'explosion. Grâce au rythme soutenu de l'oeuvre, tout ceci s'articule avec beaucoup de naturel. Lubitsch s'autorise alors des petits changements de registre et s'aventure du côté du des films d'espionnage ou des films de guerre, en conservant l'unité du long-métrage et en retombant toujours sur ses pieds à la fin.
Ernst Lubitsch orchestre donc un joyeux bazar, où il se permet toutes les folies. Le réalisateur prend plaisir à détourner les scènes ainsi qu'à faire tomber au mauvais moment les masques des personnages, avant de leur en remettre un autre sur le visage. Un bijou.