En juin 1940, la France subit dans la douleur l'invasion de l'armée allemande. De très nombreuses personnes fuient l'ennemi comme elles peuvent. Elles sont paniquées, désorganisées et elles affluent sur les routes alors que l'aviation ennemie n'hésite pas à effectuer sa triste besogne en mitraillant les convois. Âgée de cinq ans, Paulette fait partie des rescapés de ces attaques meurtrières car malheureusement ses parents sont tués lors de l'une d'elle. Seule, elle va errer dans la campagne tenant, blotti contre elle, le cadavre de son petit chien. L'enfant va finir par être recueillie par une famille de paysans assez frustres, les Dollé. Paulette va alors se lier d'amitié avec Michel, l'un des fils de la maison âgé d'une dizaine d'années. Une grande complicité va alors unir les deux enfants qui vont ensemble enterrer le chien dans l'enceinte d'un moulin vétuste. Ils vont créer autour de l'animal un véritable cimetière avec des insectes et de petits animaux que parfois ils tuent eux-mêmes et enterrent également. Ainsi, pensent-ils, le pauvre chien ne sera pas seul en ce lieu. Ils décorent les tombes avec des croix et notamment celle du chien avec une croix fixée sur un corbillard destiné à transporter le Corps de l'un des frères de Michel. C'est alors qu'un conflit éclate, le père Dollé soupçonnant son proche voisin du vol de la croix. A partir de ce moment, le destin des deux enfants va se trouver bouleversé.
Dans le Centre de la France, une petite fille a tout perdu comme des milliers d'autres enfants. Seul son chien qu'elle tenait affectueusement dans ses bras est toujours là mais il est mort. La famille Dollé se trouve sur leur passage et Michel, le jeune fils de la maison, va devenir très vite le salut de la fillette. Malgré leur différence d'âge, ils vont créer ensemble un monde à eux, un monde irréel, un monde où l'amitié, l'innocence de l'enfance contrastent avec la dureté et la lâcheté de ce monde d'adultes en complet déphasage avec eux.
C'est vrai, Paulette et Michel vont se livrer à des "jeux interdits" en volant par-ci par-là des crucifix et des croix sauf que là, le jeu est empreint d'une profonde tendresse pour ce petit chien, innocente victime de l'exode. Aucun adulte ne comprend l'importance de ce chien pour Paulette. Aucun adulte ne comprend la complicité qui lie ces deux enfants qui sont à cent lieues de l'impact des conflits des grandes personnes enfermées dans leur égoïsme et leurs fausses bienséances. Elles donnent à un jeu plein d' innocence une importance démesurée et inadaptée. Le monde de l'enfance est pur et celui des adultes sournois et borné, voire stupide à l'image du père Dollé et de ses concitoyens.
La gendarmerie vient reprendre Paulette et Michel avoue alors "le crime" qui n'en est pas un à son père contre la promesse de ne pas le séparer de son amie. Néanmoins le père Dollé va trahir son fils en faisant évacuer Paulette vers un orphelinat de religieuses. Michel jette les croix dans la rivière.Lles adultes ont cassé l'enfance de deux mômes qui entrent malgré eux dans un monde où la bêtise et la méchanceté côtoient la perversité.
C'est toujours un réel plaisir de commenter un film tel que celui-ci. René Clément a réalisé une oœuvre d'une puissance inouïe sur la confrontation entre le monde des enfants et celui des adultes. Il place ses deux personnages principaux au centre de l'univers le plus hostile qui soit: des hommes qui se battent, tuent des innocents pendant que ceux qui ne font rien de tout cela ne font guère mieux, cernés par certaines habitudes et coutumes qui font d'eux des êtres vils et lâches. Leur manière d'appréhender la vie d'adultes les incite au conflit perpétuel. Leur égocentrisme leur voile les yeux à tel point qu'ils sont à cent lieux de la souffrance contenue de Paulette et de Michel. Ils attribuent avec force des pêchés là où les voix célestes auraient très certainement pardonné. En fait les enfants se trouvent confrontés à des êtres infantiles, briseurs d'innocence, de vie et d'espoir.
Cette poignante histoire aura permis de réunir Georges Poujouly et Brigitte Fossey dans des rôles qui auront sans aucun doute marqué leur carrière. Ils sont époustouflants de naturel et de force dramatique et là on apprécie tout le talent de René Clément dans la direction d'acteurs. Il réussit à faire ressortir toutes les facettes de notre humanité en opposant dans une dimension dramatique deux mondes totalement différents et inaccessibles. La musique infiniment belle et mondialement connue de Narciso Yepes colle à merveille avec cette douloureuse histoire et contribue à l'embellir encore.
Voici une œuvre réaliste, dure, poignante, jamais larmoyante. Ce film constitue l'un des monuments de notre cinéma et personne ne doit l'ignorer car lorsqu'on le découvre, on ne peut que rester marqué à vie par le message des enfants délivré au travers de leurs espoirs et de leur détresse. Il faut dire que René Clément nous a habitué à de bien belles réalisations et demeure l'un des fleurons du Septième Art.
Ce film a obtenu:
- Le Lion d'or à la Mostra de Venise en 1952.
- Oscar du meilleur film étranger 1952.